Dans un an, les parties signataires de l'Accord de Paris devront relever leurs ambitions climatiques pour espérer rester sous un réchauffement global de 2°C, voire 1,5°C. À un an de cette échéance décisive, ils se retrouvent à Madrid jusqu'au 13 décembre pour se réengager dans l'Accord de Paris et régler les derniers aspects techniques de sa mise en œuvre afin que la COP 26 de Glasgow soit un succès.
La COP 25 est encore une COP technique à l’image de celle de Katowice en Pologne, l’an dernier. Mais elle est aussi éminemment politique puisque c’est la dernière avant la très attendue relève des ambitions climatiques, fixée par l’Accord de Paris en 2020. C’est en effet à Madrid que les quelque 200 pays signataires du texte vont devoir unir leurs forces pour sauver un accord aujourd’hui dont les objectifs semblent aujourd'hui difficiles à atteindre et ainsi assurer le succès de la COP 26 de Glasgow.
"Il faut que cette COP de la malédiction – qui devait être accueillie par le Brésil, puis par le Chili – soit transformée en opportunité pour 2020", appelle Pierre Cannet, responsable climat du WWF France. "La diplomatie climatique est très dégradée avec la sortie officielle des États-Unis, le Japon qui a d’ores et déjà annoncé qu’il ne relèverait pas ses ambitions en 2020, la Russie qui n’a pas présenté de feuille de route, et le Brésil et l’Australie qui sont dirigés par des climato-sceptiques", note Clément Sénéchal, de Greenpeace.
L'UE très attendue
Pour l'instant, 68 pays se sont engagés à revoir à la hausse leurs engagements d'ici 2020. Mais il s’agit de pays en développement, d’états insulaires et de pays les moins avancés. Ils ne représentent que 8 % des émissions mondiales, selon les experts. "Du côté des pays du G20, qui comptent pour 80 % des émissions mondiales, il n’y a aucune annonce concrète" regrette Lucile Dufour, responsable des politiques internationales au sein du Réseau Action Climat.
Selon une autre étude de la plateforme Action on climate together, publiée début novembre, parmi les 184 contributions nationales (NDC) soumises à la Convention cadre des Nations unies pour le changement climatique (Ccnucc), seules 19 % affichent un objectif de plus de 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030. Et 65 % des contributions sont insuffisantes, parmi lesquelles celles de la Chine, l’Inde, les États-Unis, le Mexique et la grande majorité des pays africains et asiatiques.
L’Union européenne, dont la nouvelle commission vient d’être approuvée, est très attendue. Ursula von der Leyen, sa nouvelle présidente, a promis un Green deal dès les cent premiers jours de son mandat. Celui-ci doit être présenté le 11 décembre, juste avant la fin de la COP25. Au menu : la neutralité carbone en 2050 – qui devrait être adoptée, y compris par la Pologne et la République tchèque, en contrepartie d'un fonds pour la transition juste – et un objectif de réduction des émissions de CO2 de 50 à 55 % en 2030, contre 40 % jusqu’alors.
Des sujets techniques sensibles
Du côté des négociations techniques, il reste à régler plusieurs sujets sensibles, "qui pourraient potentiellement bloquer la relève de l’ambition en 2020", prévient Armelle Le Comte d’Oxfam France. Il s’agit d’une part du financement des pertes et préjudices. "Le sujet patine depuis la COP21, précise la spécialiste des pays en développement. Les populations les plus vulnérables sont les plus impactées par le changement climatique. Elles attendent des financements plus importants, en plus de l’adaptation et de l’atténuation. Entre 300 et 700 milliards de dollars sont nécessaires d’ici 2030. Beaucoup de pays développés font la sourde oreille."
D’autre part, les parties à la Ccnucc doivent finaliser la mise en œuvre de l’article 6 de l’Accord relatif aux marchés carbone, qui avait achoppé l’année dernière à Katowice. "L’enjeu est de ne pas saper les objectifs de réduction des émissions et d’éviter les doubles comptages. Il faut aussi exclure de ces échanges les réductions d’émissions sous Kyoto qui représentent quatre milliards de tonnes de CO2. Enfin il faudra veiller à ne pas compromettre les droits humains avec des projets de compensation qui détruisent leurs moyens de subsistance comme c'est souvent le cas", fait remarquer Sara Lickel du Secours Catholique.
Le spectre social devrait aussi être de la partie lors de cette COP avec des protestations dans une vingtaine de pays, au Chili, au Liban, en Algérie mais aussi en France. "La question de l’acceptabilité sociale est essentielle. La France doit changer son fusil d’épaule sur l’engagement climatique et prendre des décisions plus courageuses. Or, cette inflexion n’est pas à l’œuvre dans le projet de loi de finances actuellement discuté au Parlement", conclut Clément Sénéchal. Un contre-sommet (Sommet social pour le climat) se tiendra à Madrid du 6 au 12 décembre avec une manifestation qui se veut massive le premier jour.
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