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CORONAVIRUS ET GUERRE ÉCONOMIQUE : LA BAISSE DES COURS DU PÉTROLE MET LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE MONDIALE SOUS PRESSION Spécial

Écrit par  Mar 13, 2020

La question de la protection du climat sera-t-elle reléguée à la dernière place des préoccupations des États ? La faiblesse des cours du baril, due à la guerre entre Ryad et Moscou et à la crise du Coronavirus Covid-19, pourrait inciter les gouvernements à favoriser les investissements dans les fossiles, plutôt que dans les renouvelables.

D’un côté, le Coronavirus fait tourner l’économie mondiale au ralenti, en particulier celle du mastodonte chinois, dont la consommation de pétrole a reculé de plus de trois millions de barils par jour en février 2020. De l’autre, une guerre sur les prix de pétrole est engagée entre l’Arabie saoudite et la Russie en inondant le marché d’or noir. Conséquence, les cours du pétrole se sont effondrés de 25 % en quelques jours, flirtant avec les 35 dollars. Ceux-ci ne semblent pas près de remonter alors que les perspectives de croissance mondiale pour 2020 sont revues à la baisse.

Dans ce contexte, Fatih Birol, directeur de l’Agence Internationale de l’énergie (AIE), alerte sur un "test" de l’engagement des pays du monde à réduire leurs émissions de CO2. "Cela va certainement exercer une pression à la baisse sur l'appétit pour une transition énergétique plus propre", explique-t-il. "Les observateurs remarqueront rapidement si l’accent mis par les gouvernements et les entreprises sur la transition s’éteint lorsque les conditions du marché deviennent plus difficiles", prévient-il.

En effet, dans un contexte de prix du pétrole et du gaz très faible, investir dans le solaire ou l’éolien pourrait être très rapidement remis en cause dans un souci d’opportunisme économique immédiat. Déjà la Chine s’oriente en ce sens. L’administration nationale de l'énergie vient d’annoncer une division par deux des subventions 2020 pour de nouvelles capacités solaires et une suppression des soutiens à l’éolien offshore. L’objectif de Pékin consiste à se donner des marges financières alors que les perspectives de croissance du pays sont au plus bas depuis 30 ans.

Garder l’œil sur l’objectif

Interrogé par le Financial Times, Mark Lewis, directeur de la recherche sur le changement climatique chez BNP Paribas Asset Management, juge : "s'il y a un choc économique très sévère, les énergies renouvelables et le changement climatique risquent de retomber dans l'agenda politique, mais je ne pense pas qu'ils tomberaient aussi bas qu'ils l'ont fait par le passé. . . C'est différent, l'économie (vers un monde bas carbone, NDR) est allée trop loin maintenant".

Fatih Birol, quant à lui, prévient : "Les gouvernements doivent garder l’œil sur l’objectif, ici l’objectif est le changement climatique. Les problèmes actuels sont importants - coronavirus, conditions de marché - mais ils sont temporaires. Dans quelques mois, peut-être plus longtemps, les conditions du marché se rétabliront, mais notre défi climatique sera toujours là".

Si les États font des choix économiques à court terme, la situation actuelle pourrait en revanche pousser les énergéticiens à se diversifier à long terme alors qu’investir dans de gros projets pétroliers se fait moins intéressant, explique Valentina Kretzschmar, directrice de la recherche chez Wood Mackenzie. "L'argument selon lequel les sociétés pétrolières et gazières perdront de la valeur si elles investissent dans les énergies renouvelables ne tient vraiment pas dans un monde à 35 dollars le baril", assure-t-elle.

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