Alors que la crise sanitaire liée au Coronavirus oblige la France au confinement, la question de la souveraineté alimentaire n'a jamais été aussi importante. Si le gouvernement assure qu'il n'y aura pas de pénurie, il est temps pour l'Hexagone de questionner son modèle : un fruit et légume sur deux que nous mangeons aujourd'hui est importé. Toute la semaine, Novethic se penche sur la fragilité de nos modèles économiques, secteur et secteur, mis en lumière par la crise sanitaire actuelle.
"Déléguer notre alimentation est une folie". Cette phrase, prononcée par Emmanuel Macron lors de son allocution présidentielle du 12 mars, a surpris plus d’un agriculteur. "On ne s’attendait pas à entendre cela de la bouche d’un Président qui défend les accords de libre-échange comme le CETA ou le Mercosur", s’étonne Guy Kastler de la Confédération paysanne. "Cela fait des années qu’on milite pour la relocalisation de notre alimentation, on est enfin entendu !", ironise-t-il.
Depuis la crise du Coronavirus, l’économie mondiale tourne au ralenti. De plus en plus de pays ferment leurs frontières, poussant les États à se replier sur leur système alimentaire pour nourrir la population. En France, première puissance agricole de l’Union européenne, "il n’y aura pas de pénurie alimentaire", a martelé le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. "Il n’y aura aucun problème jusqu’à juillet", a abondé Didier Guillaume, le ministre de l’Agriculture. Conscients de l’importance vitale du secteur, les deux ministres ont envoyé un message de soutien à l’agroalimentaire, ciblant particulièrement les salariés, qui pourraient faire défection et provoquer une défaillance dans l’approvisionnement.
La France a recours massivement aux importations
Si cet appel à la mobilisation des agriculteurs est pris avec solennité, c’est la pérennité de cette volonté de relocalisation qui est posée. "Est-ce une réaction éphémère pour rassurer ou un engagement de long terme ?", se demande Christiane Lambert, la présidente du principal syndical agricole, la FNSEA, dans les colonnes de l’Usine Nouvelle. Car depuis des décennies, la France perd de sa puissance en ayant recours, massivement, à l’importation de produits qu’elle cultive pourtant sur son territoire. Un récent rapport sénatorial notait ainsi, qu’aujourd’hui, près d’un fruit et légume sur deux consommés dans l’Hexagone est importé.
Sur la volaille, le rapport évoque une augmentation de 34 % d’importation. Sur les produits laitiers, filière pourtant solide en France, la valeur des importations a été multipliée par deux entre 2005 et 2017. Même chose pour le porc, l’Hexagone importe 25 % de sa consommation. Cela a de multiples conséquences. D’abord, la sécurité alimentaire des Français est questionnée car les conditions sanitaires des pays d’importations ne sont pas aussi élevées que celles de l’Hexagone. Ensuite, cela est à l'origine de rudes concurrences pour les exploitations agricoles françaises qui doivent lutter contre des prix agricoles très bas. Enfin, ces produits qui sont transportés par avion sur des milliers de kilomètres, ont un impact écologique non négligeable.
Le Coronavirus va-t-il provoquer un déclic ?
La question est de savoir si, au plus haut sommet de l’État, lorsque la France se réveillera de son confinement forcé, l’importance cruciale de la souveraineté alimentaire aura provoqué un déclic. Face aux enjeux écologiques, économiques et à une demande de produits locaux en forte croissance chez les consommateurs, quelques groupes s’engagent doucement dans cette voie. C’est notamment le cas de Danone dont le PDG, Emmanuel Faber appel à "réinventer" le secteur, "une relocalisation de l’agriculture et de l’alimentation" est "primordiale", plaide-t-il. Le succès de la marque "C’est qui le patron" a ainsi montré à la grande distribution qu’une partie des consommateurs étaient prêts à payer plus pour soutenir les agriculteurs français et manger des produits locaux.
Le gouvernement avait déjà fait un premier pas dans cette direction en septembre lorsque le Président de la République avait indiqué souhaiter que l’Europe assure elle-même sa souveraineté protéinique. Aujourd’hui, le Vieux continent est en effet dépendant du soja brésilien, qui participe à la déforestation en Amazonie, pour nourrir ses animaux d’élevage. Reste à savoir quelles mesures seront mises en place dans les années à venir pour atteindre cet objectif.
NVTC