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LE CORONAVIRUS RISQUE DE SAPER TOUS LES EFFORTS POUR LUTTER CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE Spécial

Écrit par  Mar 19, 2020

Avions cloués au sol, événements annulés, usines arrêtées : le coronavirus a comme effet immédiat une chute des émissions de gaz à effet de serre. Mais cette bonne nouvelle pour l'environnement sera de courte durée. En parallèle, les efforts mondiaux pour lutter contre le changement climatique pourraient être réduits à néant. Sauf si le "jour d'après" constitue bel et bien un nouveau départ pour construire une société plus résiliente.

L'accalmie sur le plan des émissions de gaz à effet de serre ne pourrait être que de courte durée. Déjà, des voix appellent à faire marche arrière sur les mesures climatiques pour ne pas freiner la relance économique post-crise. La Pologne et la République tchèque, peu enthousiastes sur l’objectif de neutralité carbone en Europe, viennent ainsi de demander de reculer sur le Pacte vert pour se focaliser sur la lutte contre le coronavirus. Varsovie va jusqu’à exiger de suspendre le marché des quotas de CO2 à compter du 1er janvier 2021 car "les pays auront besoin d’argent pour aider les entreprises", explique un ministre polonais.

De même, les compagnies aériennes, durement touchées, veulent ralentir sur les objectifs climatiques. "Compte tenu de l'épidémie de coronavirus, nous demandons aux gouvernements de suspendre l'introduction de nouvelles taxes sur les vols", a déclaré Benjamin Smith, directeur général de la compagnie aérienne AirFrance-KLM. "Nous n'avons définitivement pas besoin de nouvelles taxes pour le moment", a confirmé Jennifer Janzen, porte-parole de Airlines4Europe, qui représente 16 compagnies aériennes. 

Créer un momentum

Du côté des négociations internationales, toutes les réunions physiques de la Convention onusienne pour le climat ont été annulées jusqu’à la fin avril ou se tiennent pour certaines virtuellement. De même, les réunions préparatoires pour le cadre mondial pour la biodiversité prévues en mai à Montréal ont été reportées. 2020 est pourtant une année charnière. La COP15 pour la biodiversité d'octobre en Chine doit définir de nouveaux objectifs mondiaux, tandis que la COP26 pour le climat au Royaume-Uni en novembre doit aboutir à une relève de l’ambition des pays en matière d'émissions.

"Pour que les pourparlers réussissent, vous devez générer beaucoup plus d'élan, vous devez avoir une diplomatie beaucoup plus agressive", explique Tom Burke, président du think-tank E3G et observateur de longue date des négociations. En amont de la COP21, la France s’était intensément mobilisée pour créer ce momentum et arracher l'Accord de Paris. "Le sommet est encore dans plusieurs mois. Mais nous sommes conscients qu'il s'agit d'un problème qui peut affecter certains voyages internationaux et adapterons nos plans en conséquence", veulent rassurer les organisateurs de la COP26.

Ne pas trop charger la barque

"Il existe aussi un risque majeur de mise au placard de ces sujets, prévient François Gemenne chercheur en science politique et membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC). Les gouvernements pourraient être peu enclins à prendre des mesures radicales pour le climat et la biodiversité après le coronavirus pour ne pas trop charger la barque. La crise financière de 2008 l’avait emporté sur tout le reste et avait mené à la mise sous respirateur artificiel du Protocole de Kyoto".

Alors qu’Emmanuel Macron et Bruno Le Maire ne cessent d’évoquer "le jour d’après" dans leurs discours, l’enjeu sera de profiter de cette crise pour construire une société plus résiliente, sobre en carbone et juste. "S’il y a une leçon positive à tirer, c’est qu’il est possible que des gouvernements prennent des mesures urgentes, radicales et coûteuses face à un danger imminent et que celles-ci soient acceptées par la population. Il y a un petit côté répétition générale de ce qui nous attend face au dérèglement climatique", veut croire François Gémenne. 

NVTC