De nouvelles données sur le réchauffement à la surface des océans depuis l’ère préindustrielle changent la donne sur le temps qu’il nous reste pour rester sous la barre des 1,5°C de réchauffement planétaire établi par l’Accord de Paris. Notre budget carbone pourrait se trouver amputer d’un tiers rendant l’objectif de plus en plus impossible à atteindre. Certains chercheurs s’interrogent sur le sens de ces chiffres et appellent à se focaliser davantage sur les impacts.
Le temps qu'il nous reste avant de franchir la barre d'un réchauffement planétaire de +1,5°C vient de se réduire de trois ans. C'est ce qu'il ressort d'une mise à jour de données sur le réchauffement des océans par le Met Office britannique, le service national britannique de météorologie, et relayées par Carbon Brief (1). Selon cette étude, les températures à la surface de l’eau ont augmenté de 0,1°C par rapport à ce qui avait été observé depuis la fin de l’ère pré-industrielle.
Çela peut sembler faible à première vue, mais ces 130 milliards de tonnes d'équivalent CO2 nouvellement calculées pourraient amputer le budget carbone restant de 24 % à 33 % dans une trajectoire 1,5°C, estiment les analystes britanniques. Cela signifie que les émissions de CO2 que nous pouvons émettre pour contenir la hausse des températures sous la barre d’1,5°C (notre "budget carbone") ne serait plus d’une durée de 9 à 13 ans mais de 6 à 10 ans. Ce qui "rend potentiellement l’objectif encore plus difficile à atteindre", prévient Carbon Brief.
Les impacts plus importants que les données
Ce dixième de degré de réchauffement supplémentaire observé à la surface des océans représente une hausse de 13 % par rapport à ce qui avait été mesuré jusqu’alors . Cette donnée est essentielle pour calculer la température globale car les océans représentent les deux tiers de la surface de la Terre et jouent un rôle primordial dans le stockage de CO2. Ainsi, Carbon Brief estime que cet ajustement provoque une augmentation de la température globale d’environ 0,06°C, soit environ 6 % du réchauffement climatique estimé depuis la période préindustrielle.
Cela change-t-il finalement le message sur l’urgence climatique ? Pas vraiment. "La question clé pour les décideurs n'est pas de savoir si ces données actualisées donnent un nombre légèrement différent d'avant, mais si cela modifie fondamentalement l'évaluation du risque avec un réchauffement de 1,5°C, seuil choisi dans l'Accord de Paris", explique le Dr Joeri Rogelj de l’Imperial College de Londres, cité par Carbon Brief.
"Nous avons suggéré aux scientifiques de toujours fournir une traduction pour aider les décideurs, car sinon, les mises à jour futures risquent de comparer des pommes avec des oranges. Les pays les plus vulnérables qui ressentiront l'impact le plus fort ne sont pas obsédés par le nombre réel d'objectifs de température. Ils sont obsédés par les impacts climatiques prévus et qu’ils essaient d’éviter", poursuit le chercheur. Et ce qui est certain, c’est que l’urgence climatique est belle et bien réelle.