La relève de l'ambition, c’est l'un des enjeux majeurs de la COP25 qui se tient jusqu’à vendredi 13 décembre à Madrid, en Espagne. À partir d’aujourd’hui, la présidence chilienne et les ministres présents devront s’atteler à régler les dernières règles d’application de l’Accord de Paris, mais ils devront aussi donner l’élan pour que les parties membres arrivent à la COP26 avec des objectifs climatiques revus à la hausse. Un combat qui semble loin d'être gagné.
À ce jour, un seul pays a soumis une nouvelle contribution climatique nationale (NDC) révisée : les îles Marshall. Mais il ne pèse que 0,00001 % des émissions mondiales. De l’autre côté, quatre pays ont déjà officiellement annoncé qu’ils ne relèveraient pas leur ambition : le Japon, les États-Unis, l’Australie et Singapour. C’est un très mauvais signal car si le monde suivait les engagements de ces pays, nous irions vers un réchauffement de plus de 4°C, et même de plus de 5,1°C dans le cas de Singapour.
Pour alerter sur l’urgence d’agir, des chercheurs de l'Australian-German Climate Energy College, de l’Université de Melbourne, et du PIK (Institut de Potsdam sur les impacts du changement climatique en Allemagne) ont publié une étude dans la revue Nature Communications (1) il y a un an. Elle classe les engagements climatiques des différents pays selon leurs NDC et montre la hausse de température qui en résulterait si le monde suivait leur exemple. Une publication qui est plus que jamais d’actualité.
"Ce travail scientifique doit servir à informer le public et les négociateurs sur l’ambition de leurs engagements et non pas l’atteinte des engagements, explique Yann Robiou du Pont, l’un des auteurs de l’étude, aujourd’hui chercheur à l’Iddri. Un pays comme la Chine par exemple peut apparaître comme un bon élève car il va dépasser ses engagements mais ces-derniers étaient très peu ambitieux." De fait, si le monde suivait l’engagement chinois, nous irions vers un réchauffement de plus de 5,1°C. Mais même les pays européens, pourtant considérés comme leaders, mènent pour la plupart vers un réchauffement compris entre +3 et +5°C.
Journée de l’ambition à la COP25
"Nous n'avons pas de point sur l’ambition à l'ordre du jour, par conséquent, nous ne pouvons pas nous attendre à avoir une décision spécifique sur ce sujet. Cependant, il y a de nombreux événements et dialogues de haut niveau où l'on s'attend à ce que la question de l'élévation de l'ambition soit abordée" note Patricia Espinosa, secrétaire exécutive de la Ccnucc (Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques).
Une journée de l’ambition sera organisée ce mercredi 11 décembre en présence notamment du secrétaire général des Nations-Unis Antonio Guterres dans le prolongement du sommet climatique de septembre organisé à New York. De nouveaux engagements sont attendus dans le cadre de la Climate Ambition Alliance, menée par le Chili, et de la Carbon Neutrality Coalition. Plus de 100 pays devraient s'engager à de meilleurs plans climatiques d'ici 2020 et à des objectifs de neutralité carbone d'ici 2050. Mais ce sera sans compter sur les plus gros émetteurs.
L’Inde également aux abonnés absents
L’Inde semble ainsi vouloir repousser la révision de son NDC à 2023. "Le bilan global des actions climatiques dans le cadre de l'accord de Paris n’interviendra qu'en 2023 (mais les objectifs doivent être révisés dès 2020 selon l’Accord de Paris, NDR). C’est à ce moment-là que nous pourrons discuter de nos objectifs et revoir notre ambition", a déclaré le ministre de l'Environnement indien, Prakash Javadekar, lors d'un briefing. L’Inde, mais aussi la Chine, ou le Brésil, insistent pour que les pays développés respectent leurs engagements pour 2020, dans le cadre du protocole de Kyoto. "Le fait qu’il ne reste qu’un an ne soit pas servir d’excuse pour les dédouaner", a martelé le ministre indien.
"Toutes les parties qui croient en la science doivent proposer des engagements améliorés. Nos engagements devraient être cinq fois meilleurs pour atteindre 1,5°C. Un refus de faire plus est tout simplement contraire à ce que nous dit la science", a réagi l'ambassadrice Jannine Felson du Belize, présidente de l'Alliance des petits états insulaires (Aosis). "L'ambition ne doit pas être une monnaie d'échange", a également déclaré Laurence Tubiana, cheville ouvrière de l’Accord de Paris.
NOVETHIC/Concepcion Alvarez