De l'aveu même du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, cette COP25, la plus longue de l'Histoire des COP, a été décevante, les États du monde entier ne réussissant pas à unir leurs forces pour affronter l'urgence climatique. Cette COP de l'entre-deux, calée entre celle très technique de Katowice sur les règles d'application de l'Accord de Paris, et celle très politique de Glasgow en 2020, révèle la fracture mondiale entre ceux qui sont prêts à agir et ceux qui foncent droit dans le mur.
Deux mondes. Deux blocs qui se font face. Voilà ce que révèle l’échec de la COP25 à Madrid. D’un côté, la jeunesse, les scientifiques, les petits États insulaires, la plupart des pays latino-américains et africains, l’Union européenne, des villes et des régions, des entreprises et des investisseurs qui ont pris conscience de l’urgence climatique. De l’autre, une poignée d’États – États-Unis, Brésil, Chine, Inde, Australie, Arabie saoudite – parmi les plus émetteurs, campent sur leurs positions, quitte à courir le risque d’aller droit vers la catastrophe.
Alors que les tensions entre pays développés et pays en développement ont toujours miné les négociations au sein des COP, l’Accord de Paris semblait les avoir effacées, tous les États s’accordant à participer, à des degrés variés, à l’effort climatique. Ce consensus a éclaté, notamment sous l’impulsion des États-Unis, qui ont officialisé leur retrait du processus, avec l'impression d'être revenus dix ans en arrière, à la COP15 de Copenhague.
Chantage à l'effort climatique
En pleine COP25, la Chine, l’Inde et le Brésil ont fait blocage pour que les pays développés "honorent leurs engagements pré-2020", dans le cadre du Protocole de Kyoto. Ils sont même parvenus à imposer un nouveau mécanisme pour évaluer les efforts des pays développés en matière de réduction d’émissions et d’aide financière apportée aux pays en développement. Une façon de conditionner la participation des pays du Sud au respect des engagements par le Nord. Un rapport du secrétariat de la Ccnucc (Convention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique) sera remis aux parties sur le sujet en septembre 2022.
Cela laisse présager que la relève de l'ambition, prévue dans l’Accord de Paris en 2020, ne sera pas effective avant le bilan global de 2023. L’Inde a déjà fait savoir qu’elle ne prévoyait pas de revoir ses objectifs climatiques avant cette échéance. De fait, à la COP25, seuls 80 États ont présenté ou se sont engagés à présenter une nouvelle contribution climatique nationale (NDC) en 2020. Ils ne représentent que 10,5 % des émissions mondiales de CO2, les plus gros émetteurs manquant à l’appel.
La décision finale apparaît ainsi bien modeste puisqu’elle ne fait qu’encourager "les parties à utiliser l’opportunité que représente l’année 2020 pour refléter l’ambition la plus élevée possible" et n’appelle pas clairement les parties à "relever" l’ambition de leurs contributions nationales (NDC). Un résultat bien faible pour la COP la plus longue de l’histoire, avec des prolongations qui ont duré 42 heures.
L'espoir d'un leadership UE-Chine
Les autres sujets à l’ordre du jour, à savoir l’articulation des marchés carbone avec les objectifs de réduction des émissions et la question des pertes et préjudices, ont été reportés à la COP26, organisée l’année prochaine à Glasgow, au Royaume-Uni. Là encore, la fracture entre les deux blocs s’est bien sentie, les pays développés – au premier rang desquels les États-Unis – refusant de débloquer de nouveaux financements pour les États subissant de plein fouet les impacts du changement climatique sans pouvoir s’y adapter.
La COP26, qui doit être celle de l’action, s’annonce donc bien chargée. L’espoir repose désormais sur un leadership UE-Chine avec le sommet de Leipzig en Allemagne qui se tiendra en septembre, en remplacement du binôme États-Unis-Chine qui avait mené au succès de l'Accord de Paris en 2015. Mais d’ici là, l’Union devra se montrer exemplaire avec son Green Deal et réussir à embarquer la Pologne, qui a pour l'instant refusé de s'engager sur la neutralité climatique en 2050.
Il faudra aussi que la présidence britannique prenne la main. Car c'est aussi la défaillance de la présidence chilienne qui a participé à l'échec de la COP25, en raison notamment de son contexte social national. Elle n'avait pas un poids politique suffisant pour contrer les blocages et ses méthodes de travail ont été critiquées alors qu'elle a écarté l'alliance des petits États insulaires des discussions en fin de COP. "Nous pouvons y parvenir. Nous devons y parvenir. Ce n’est pas une option, car il n’y a pas de planète B", a martelé à Madrid Claire Perry O’Neill, la future présidente de la COP26.
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