Omniprésent dans notre quotidien, le plastique est devenu un fléau pour l'environnement. Selon un rapport paru en 2015, plus de huit millions de tonnes de déchets plastique se déversent chaque jour dans les océans. Soit l'équivalent d'une benne à ordures déversée toutes les minutes. Et cette pollution a un impact considérable sur la faune y compris les oiseaux marins.
Il n'est désormais plus rare de retrouver des oiseaux morts le ventre rempli de plastique. Mais quels effets les déchets ont-ils lorsqu'ils ne provoquent pas la mort des spécimens qui les ont ingérés ? C'est la question à laquelle une équipe de scientifiques a tenté de répondre en menant une étude sur l'île Lord Howe situé à quelque 600 kilomètres des côtes est de l'Australie.
Des oiseaux parmi les plus contaminés au monde
Cette île au décor digne d'une carte postale n'abrite que quelques centaines d'habitants mais elle constitue l'habitat de dizaines de milliers d'oiseaux marins. De spécimens qui semblent bien se porter et pourtant. Les travaux menés sur le terrain ont montré que Lord Howe recèle certains des oiseaux les plus contaminés au monde par le plastique.
Les spécialistes ont notamment observé des puffins à pieds pâles (Ardenna carneipes) nourrir leurs petits avec des bouts de plastique - des bouchons de bouteille, des pièces de Lego ou encore des capuchons de stylo - plutôt qu'avec du poisson. Certaines années, 80 à 90% de tous les poussins étudiés ont ainsi montré au moins un bout de plastique dans leur estomac.
"Les populations de puffins à pieds pâles sont en déclin à travers le Sud-ouest de l'océan Pacifique et les côtes sud de l'Australie. L'ingestion de plastique est impliquée dans ce déclin mais les mécanismes par lesquels [cette pollution] affecte les oiseaux est mal connue", a expliqué dans un communiqué le Dr Jennifer Lavers de l'Institute for Marine and Antarctic Studies de l'Université de Tasmanie.
Un cas extrême a été identifié sur l'île australienne : un puffin dont l'organisme contenait 274 morceaux de plastique, pour une masse totale de 64 grammes. A ce stade de contamination, les poussins ne survivent généralement pas car il leur devient impossible de recevoir suffisamment de nutriments pour survivre. La situation s'avère différente lorsque la quantité ingérée n'est pas suffisante pour être létale.
Un lien entre plastique et cholestérol
"Un oiseau marin peut avoir l'air en bonne santé mais il ne peut pas vous dire qu'il est malade ou qu'il souffre", a expliqué au National Geographic le Dr Lavers, principal auteur de l'étude publiée dans la revue Environmental Science & Technology. Pour en savoir plus, les chercheurs ont donc décidé de traiter les puffins comme des humains et de leur faire passer des examens.
Ils ont utilisé une technique non-invasive et sans danger pour vider l'estomac de poussins qu'ils ont ensuite étudié. Ils ont également prélevé des échantillons sanguins afin de réaliser diverses analyses. Les résultats ont montré que l'ingestion de plastique peut avoir des conséquences négatives significatives chez les oiseaux même lorsqu'ils semblent en bonne santé.
Les poussins ayant ingéré du plastique ont montré une réduction de la masse corporelle, de la longueur des ailes ainsi qu'une tête et un bec plus petits. Mais c'est dans leur organisme que les résultats les plus surprenants sont apparus : les spécimens contaminés ont présenté dans leur sang des niveaux plus élevés de cholestérol, un taux moindre de calcium et une concentration plus élevée d'acide urique.
"Nous avons supposé qu'il y aurait certains effets sublétaux (nocifs mais non mortels, ndlr). Mais nous ne pensions pas que la simple présence de plastique pouvait causer un taux de cholestérol élevé, comparé à des oiseaux avec moins de plastique. Un seul fragment suffit", a précisé dans un communiqué le Dr Alex Bond, conservateur chargé des oiseaux au National History Museum de Londres.
Le lien entre le plastique ingéré et le taux de cholestérol ou les autres symptômes observés reste flou. Il est possible que les déchets affectent directement les fonctions organiques ou bien qu'en voyageant dans les océans, ils aient accumulé des bactéries ou des substances toxiques alors transmises aux oiseaux. De même, on ignore les conséquences réelles de ces changements pour la santé des animaux.
"Nous savons que chez les humains, des taux élevés de cholestérol sont mauvais et peuvent causer des problèmes circulatoires. Mais le problème pour les oiseaux est que personne n'a vraiment pensé à surveiller cela. Personne ne s'intéresse vraiment à ce que doivent être les niveaux de cholestérol d'un puffin à pieds plats, ce qui doit être considéré comme normal ou ce qui doit inquiéter", a relevé le Dr Bond.
De façon similaire, si un taux d'acide urique élevé est associé chez l'humain à un dysfonctionnement des reins, on ignore ce qu'il implique à long terme pour un tel animal. Mais "ceci peut avoir certaines conséquences assez significatives pour un oiseau qui doit voler par lui-même jusqu'à la mer du Japon une fois qu'il a quitté l'île", a poursuivi le spécialiste.
Une menace qui prend de l'ampleur
Pour le Dr Lavers, "les données sont alarmantes" et incitent à poursuivre les recherches pour comprendre les conséquences exactes de ces changements pour les volatiles. D'autant plus que le puffin à pieds pâles, dont les populations ont décliné de 29% au cours des trois dernières générations d'après Bird Life International, n'est pas la seule espèce d'oiseaux marins menacée.
Une étude australienne publiée en 2015 a conclu que ce sont plus de 99% des oiseaux marins qui auront ingéré du plastique d'ici 2050. Une menace qui prend de l'ampleur et s'ajoute aux autres qui pèsent déjà sur les ailes des volatiles : les captures accidentelles, la raréfaction des proies, les espèces invasives, le changement climatique ou encore l'urbanisation des zones côtières.
"Le plastique qui est déjà dans l'océan y flotte depuis des décennies et nous en sommes maintenant à 70 ans de production plastique d'un niveau industriel, donc une grande partie se trouve déjà dans les océans de la planète", a déploré le Dr Bond. "Réduire la quantité de plastique qui échoue dans l'océan est la seule manière de résoudre [le problème]."
Geo