Le Gabon va pouvoir recevoir jusqu’à 150 millions de dollars pour la préservation de sa forêt (environ 90 % de son territoire). Une première pour un pays d'Afrique. Mais cet accord inédit interroge alors que le pays, faiblement peuplé, et avec une population principalement urbaine, connaît des taux de déforestation très bas.
Un accord inédit a été signé en marge du sommet climat de septembre à New York. Le Gabon va recevoir des paiements pour la préservation de sa forêt, qui couvre près de 90 % de son territoire, dans le cadre de l'Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (Cafi), portée par la Norvège. C’est le premier pays d’Afrique à bénéficier de ce "paiement aux résultats".
Les efforts du pays pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre due à la déforestation et à la dégradation, et pour améliorer l'absorption du dioxyde de carbone par ses forêts naturelles seront valorisés dans un contrat de dix ans (2016-2025). Le Gabon pourrait ainsi recevoir jusqu’à 150 millions de dollars, avec un prix de la tonne de carbone compris entre cinq et dix dollars.
Injustice
"Le consentement de la Norvège à doubler le prix de la tonne de dioxyde de carbone des forêts tropicales dans cet accord est très important et nous permet d'espérer que la communauté internationale s'acheminera vers un prix réaliste, qui incitera véritablement les pays forestiers à suivre notre exemple", a réagi le professeur Lee White, ministre gabonais de la Forêt, de la Mer, de l'Environnement, chargé du Plan climat.
Mais cette expérience interroge puisque le Gabon fait partie des pays à faible taux de déforestation contrairement à d’autres pays comme le Brésil ou l’Indonésie qui présentent des taux de déforestation élevée. Avec une population principalement urbaine, il y a peu d’activités agricoles et donc peu de pression sur les forêts. Pourquoi dès lors choisir de rémunérer ce pays, déjà vertueux ?
"C’est justement pour lutter contre cette forme de déséquilibre que nous avons signé cet accord, explique Berta Pesti, cheffe du secrétariat de Cafi. Aujourd’hui, la plupart des mécanismes financiers favorisent les pays à fort taux de déforestation et des pays comme le Gabon, plutôt bons élèves, n’y ont pas accès. Il est pourtant important de les inciter eux aussi à continuer à préserver leur forêt pour lutter contre le changement climatique."
Régression
Un point de vue que ne partage pas Alain Karsenty, chercheur au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement). "Le système de paiement aux résultats doit contribuer à infléchir des politiques publiques vers une meilleure préservation des forêts. Les rémunérations doivent être directement liées aux efforts, traduits en politiques et mesures mises en œuvre sur le terrain. Sinon, on rémunère pour des circonstances", accuse-t-il. "Il s’agit là d’une régression intellectuelle."
"Nous récompensons un mélange de contexte socio-économique et démographique et d’efforts délibérés du gouvernement, concède Berta Pesti. Le gouvernement gabonais a ainsi annulé certaines concessions forestières, interdit l’exportation des grumes, créer treize parcs nationaux et mis en œuvre des plans d’aménagement. Tout cela va dans la bonne direction."
Le Gabon devra produire des rapports chaque année ou tous les deux ans afin de demander le décaissement des fonds. Après vérification, ceux-ci seront versés via des agences internationales telles que l’AFD (agence française de développement) et serviront à financer des projets de lutte contre le changement climatique.
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