Si les procès climatiques se multiplient, c'est la première fois que des ministres en fonction sont directement visés. Le député européen Pierre Larrouturou, et les militants Camille Étienne et Cyril Dion ont déposé plainte le 17 juin devant la Cour de Justice de la République contre plusieurs personnalités, dont le Premier ministre Jean Castex. Les plaignants pointent notamment du doigt les insuffisances de la loi Climat et résilience.
C’est du jamais vu. L'eurodéputé Pierre Larrouturou et les militants Cyril Dion et Camille Étienne ont déposé plainte le 17 juin devant la Cour de Justice de la République (CJR) contre Jean Castex et quatre ministres pour leur inaction contre le changement climatique. Cette plainte vise également les ministres de la Transition écologique Barbara Pompili et de l'Économie Bruno Le Maire, ainsi que les ministres délégués aux Transports Jean-Baptiste Djebbari et au Logement Emmanuelle Wargon.
Il y a quatre mois, l’État a été reconnu responsable de manquements en matière de lutte contre le réchauffement par le tribunal administratif de Paris, dans le cadre de l’Affaire du siècle, portée par quatre associations environnementales (Notre Affaire à tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France). "L'État a été condamné pour son inaction et malgré ça, on continue à mettre des rustines. Et les ministres n'en ont pas grand-chose à faire parce qu'ils ne se sentent pas directement touchés", a déploré l'eurodéputé.
La CJR est seule habilitée à juger les actes des membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions. Les ministres encourent jusqu’à deux ans de prison pour abstention de prévention d'un sinistre. Le but des plaignants n'est pas de "couper des têtes" ou d'envoyer des ministres en prison, mais "de les pousser à l'action", avant l'adoption définitive de la loi Climat, a précisé Pierre Larrouturou. C'est pourquoi seuls sont visés des membres du gouvernement actuel.
La loi Climat et résilience directement visée
La plainte, qui liste des catastrophes déjà subies par la France, insiste sur l'"insuffisance" du projet de loi Climat et résilience adoptée en première lecture à l'Assemblée et actuellement en examen au Sénat. Elle déplore "renoncements" par rapport aux propositions de la Convention citoyenne sur le climat (CCC) dont il découle. Plusieurs instances, comme le Conseil d’État ou le Haut Conseil pour le Climat, avaient rendu un avis négatif sur le projet de loi, estimant que celui-ci était insuffisant pour répondre aux objectifs climatiques de la France.
"Par leur inertie, par les décisions qu'ils ont prises de façon délibérée et répétée, les ministres chargés d'organiser et de financer la lutte contre le dérèglement climatique sont complices de ce crime de l'humanité contre la vie, dont parlait Jacques Chirac à Johannesburg", estime la plainte, en référence au discours de 2002 où l'ancien président avait lancé "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs". Ils jugent l'inaction des ministres "criminelle".
"Avec cette menace, ils réfléchiront peut-être à deux fois avant de prendre des décisions qui impactent la vie de millions de personnes", a souligné la militante écologiste Camille Étienne. Intenter une action en justice "est parmi les stratégies non violentes les plus efficaces, même si les démarches sont plutôt longues", a commenté Cyril Dion, l'un des garants de la CCC. Rien n'est encore gagné : sur plus de 1 500 plaintes reçues par la CJR depuis sa création en 1993, seules sept affaires ont été jugées. Sébastien Mabile, avocat spécialiste du droit de l’environnement, a confié quant à lui au journal Le Monde qu'il jugeait "un peu faible" l'imputation de la responsabilité à chacun des ministres. Ces derniers n'ont pas encore réagi.