Pour Dalila al-Kerdani, professeure d'urbanisme à l'université du Caire, ces travaux s'apparentent à "un acte de sabotage" dans ce quartier, jusque-là rare poumon vert de la capitale égyptienne.
Ces transformations urbaines, dont le coût s'élève à près de 44 millions d'euros (7,5 milliards de livres égyptiennes) ont aussi achevé d'enterrer le projet de rénovation du tramway d'Héliopolis, qui avait pourtant reçu des financements internationaux en 2018.
Dans la cour du café Chantilly, une institution du quartier, Choucri Asmar, membre fondateur de HHI, regrette qu'un "moyen de transport durable ait été sacrifié pour plus de voitures".
Bien que certains reconnaissent une plus grande fluidité du trafic, les Héliopolitains dénoncent un projet mené à la hâte.
- "Fait accompli" -
"Nous avons été mis devant le fait accompli", déplore M. Asmar. Et pour cause: plusieurs étapes réglementaires, à commencer par la consultation des habitants, ont été brûlées.
Le projet a également été lancé sans l'autorisation de l'organisation nationale pour l'harmonie urbaine (NOUH), chargée de la mise en valeur du patrimoine urbain, souligne Mme Kerdani.
Excepté quelques députés, les autorités semblent assez peu préoccupées par les griefs des résidents, qui dénoncent notamment une multiplication des accidents meurtriers sur les routes élargies.
Lors d'une réunion publique mi-janvier, Oussama Okail, l'ingénieur qui a supervisé les travaux, a déclaré, sous les huées des Héliopolitains, qu'installer "des passages piétons revient aux résidents" et non à l'Etat.
Sollicité par l'AFP, le gouvernorat du Caire, dont dépend Héliopolis, n'a pas fait de commentaires.
Interpellée par HHI, l'Autorité du génie civil, puissant organe dépendant des forces armées qui pilote le projet, a elle botté en touche, au prétexte "que la décision venait de la présidence" selon M. Asmar.
Devant cette modernisation imposée, Mme Kerdani craint que Le Caire ne s'étende à terme "jusqu'à Suez", à 130 km d'Héliopolis, créant "un ensemble monstrueux et ingérable", aux dépens des espaces verts et du patrimoine.
Tandis qu'Héliopolis s'est transformée à contrecoeur, M. Asmar redoute elle que les quartiers populaires voisins d'al-Matariya et Nasr City, où des travaux ont commencé, ne subissent le même sort, dans une indifférence plus grande encore.
Les Héliopolitains, qui représentent plutôt une population aisée et influente, sont "sûrement les plus à même de critiquer ouvertement" ces changements, dit M. Asmar. "Si nous nous taisons, tout le monde se taira".