Une tempête de tweets #RogerWakeUp a ciblé le 13 janvier, Roger Federer, le champion de tennis, interpellé sur son partenariat avec Crédit Suisse accusé de financer les énergies fossiles. Ce jour-là, étaient jugés en Suisse douze jeunes activistes qui avaient envahi une succursale de la banque à Lausanne en 2018 déguisés en joueurs de tennis pour dénoncer les financements charbon. Bilan de la journée : Federer mobilisé, banque acculée et activistes acquittés.
Arrivé à Sydney pour disputer l’Open d’Australie, Roger Federer a été confronté aux conséquences dramatiques des incendies aggravés par le réchauffement climatique. Il a dû aussi affronter une campagne sur les réseaux sociaux lui demandant de faire pression sur le Crédit Suisse avec qui il a des liens étroits. C’est non seulement l’un de ses 12 sponsors depuis 2009, mais la banque verse aussi un million de dollars par an à sa Fondation et sponsorise la compétition qu’il organise, la Laver Cup.
Depuis deux ans, l’ONG suisse Lausanne Action Climat dénonce les financements de Crédit Suisse au charbon. Ils auraient augmenté en 2016 et 2017, après l’Accord de Paris ! Greenpeace Suisse a calculé qu’en 2017, Crédit Suisse avait financé l’équivalent de deux fois plus d'émissions nocives pour le climat que toute la consommation d'énergie du pays en un an. La stratégie médiatique de l’ONG : s’attaquer à la figure emblématique de la communication de la banque : Roger Federer. En novembre dernier, ils ont organisé une fausse partie de tennis dans la succursale du Crédit Suisse de Lausanne, déguisés en joueurs. Ils étaient jugés le 13 janvier pour violation de domicile.
Le buzz généré par la campagne ciblant Roger Federer a conduit le champion de tennis à réagir : "J’apprécie les rappels sur ma responsabilité en tant que personne, athlète et entrepreneur et je m’engage à utiliser cette position privilégiée pour dialoguer sur des questions importantes avec mes sponsors". Il a aussi participé au match de charité organisé par les stars du tennis pour lever des fonds pour les victimes australiennes et fait un don personnel. La Banque Suisse a aussi réagi. Elle a écrit au tribunal pour reconnaître que "Le combat contre le changement climatique est important et qu’elle ne financera plus de nouvelles centrales à charbon"… même si on ne trouve pas de trace visible de cet engagement sur son site web.
Procès de la place financière helvétique
L’ONG a doublement gagné son combat puisque les activistes environnementaux ont finalement été acquittés au nom de l’urgence climatique et médiatisé leur affaire dont ils voulaient faire "le premier procès climatique contre la place financière helvétique". Ils ont cité à comparaître trois témoins, deux scientifiques climatiques et un ancien trader algorithmique d’HSBC, Jérémy Désir. Celui-ci a dénoncé le mécanisme suivant : "La finance a absolument besoin de croissance puisque la dette proposée à l’industrie doit être remboursée avec un taux d’intérêt. Or l’énergie nécessaire à cette croissance est à 90 % fossile. Les grandes banques le savent et, en soutenant le système, elles bafouent sciemment l’Accord de Paris sur le climat".
Il a aussi reproché au Crédit Suisse de faire partie des institutions financières qui ont facilité l’introduction en bourse de Saudi Aramco, contrevenant ainsi à la limitation du réchauffement climatique à 2 degrés prévue par l’Accord de Paris. Au vu des arguments, le juge a estimé que leur action de désobéissance civile n’était pas condamnable compte tenu de l’urgence climatique. Il a estimé que "l’acte incriminé était nécessaire et proportionné, d’ampleur raisonnable et sans violence ni dégradation de matériel".
Une fausse partie de tennis ciblant une star mondiale du sport a donc non seulement permis de mobiliser Roger Federer sur la cause climatique, créer une jurisprudence en Suisse sur la désobéissance civile raisonnable et pousser Crédit Suisse à prendre des engagements climatiques sérieux. Un peu tôt quand même pour déclarer jeu set et match puisque dès le lendemain le procureur a fait appel de la décision. Les activistes environnementaux sont remontés au filet et ont envahi UBS, l’autre grande banque suisse, en dessinant des slogans avec des morceaux de charbon. La partie continue !
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