Imaginez des milliers de tortues marines flottant dans l'océan dans un périmètre à peine plus grand qu'un terrain de football. C'est l'impressionnant phénomène auxquels des chercheurs ont assisté au large du Costa Rica en novembre 2016. "J'ai immédiatement su que quelque chose de spécial était en train de se produire", a expliqué la biologiste marine Vanessa Bézy au National Geographic.

Cela fait plusieurs années que cette spécialiste étudie les tortues dans la région mais c'était la première fois qu'elle assistait à un rassemblement aussi important. "Aujourd'hui encore, je suis sidérée par cette vidéo [filmée depuis les airs grâce à un drone]", a-t-elle confié. "De là-haut, [les tortues] ressemblent à des auto-tamponneuses".

Arribada ou la ponte de milliers de femelles

Si le rassemblement est spectaculaire, il n'est pas inédit, loin de là. Il se produit même tous les ans au large de la ville d'Ostional où se trouve un véritable refuge pour la faune sauvage. Le phénomène qui se produit entre les mois d'août et d'octobre est connu sous le nom d'arrivée en masse ou arribada en espagnol et a un but bien précis.

 

Les tortues femelles se réunissent pour se rapprocher des côtes et venir pondre leurs oeufs sur les plages de façon synchronisée. La majorité d'entre elles appartiennent à l'espèce des tortues olivâtres (Lepidochelys olivacea). Mais les causes de ce comportement restent floues. "C'est un phénomène naturel énigmatique. Nous ne savons pas pourquoi ni comment les tortues se coordonnent ainsi", a confirmé Vanessa Bézy.

Les courants marins, de même que l'orientation de la plage ou le type de sable pourraient influer sur le choix des femelles. Quant à l'objectif de cette arrivée massive et de la ponte synchronisée, l'une des hypothèses suggère qu'elles pourraient maximiser les chances de survie des futures petites tortues. Néanmoins, ce comportement n'est pas sans danger pour les oeufs.

Les tortues arrivant au même endroit plusieurs jours successifs, il n'est pas rare qu'une femelle déterre ou endommage des oeufs pondus par une autre qui l'a précédée. D'après des chiffres cités par The Guardian, chaque tortue olivâtre pond environ cent oeufs. Mais sur les plus de dix millions d'oeufs produits durant une arribada, seul 0,2% survivent jusqu'à éclosion. Et parmi eux, à peine 1% atteignent l'âge adulte.

 

Ces arrivées massives ne se produisent que dans des endroits précis. L'Ostional National Wildlife Refuge serait ainsi le deuxième lieu connaissant les plus grands rassemblements de tortues, après la plage d'Escobilla à Oaxaca (Mexique). En 2017, Vanessa Bézy et ses collègues ont estimé dans une étude la concentration de tortues à plus de 2.000 individus par kilomètre carré à proximité des côtes.

Le jour où la vidéo a été filmée, "il y avait l'équivalent de 5.000 tortues pour une aire d'un terrain de football, sur une zone totale de plus d'un millier de terrains de football", explique l'équipe dans la séquence. "Sans même compter les tortues se trouvant sous la surface". Malheureusement, ce rassemblement est loin de protéger l'espèce.

Menacée par le développement et le tourisme de masse

C'est d'ailleurs pour cette raison que Vanessa Bézy a choisi de publier la séquence trois ans après sa capture. Elle a expliqué que les tortues étaient de plus en plus menacées par les activités humaines et notamment par le nombre croissant de touristes qui s'agglutinent sur les plages à des moments critiques de la ponte ou du développement des animaux.

 

Le développement urbain à proximité et au sein d'Ostional ainsi que la collecte illégale d'oeufs sont d'autres menaces d'origine humaine qui pèsent sur Lepidochelys olivacea, l'une des six espèces de tortues marines considérées comme menacées par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Vanessa Bézy appelle ainsi à prendre des mesures pour réduire la pression sur l'espèce.

"La Wildlife Conservation Association développe des programmes pour protéger les tortues marines et le reste de la faune sauvage de ce site et mène actuellement une campagne pour installer un centre permettant d'organiser toutes ces activités", a précisé la spécialiste qui travaille également avec les communautés locales pour sensibiliser et mettre en place des efforts de conservation.

GEO.FR