Baye Salla Mar

Baye Salla Mar

Les guépards pourraient faire leur réapparition dans la nature en Inde, où la Cour suprême a autorisé mardi une réintroduction expérimentale de félins en provenance d'Afrique.

Le guépard, l'animal terrestre le plus rapide du monde, était jadis très répandu en Inde, où les archives historiques révèlent que l'empereur moghol Akbar en possédait des centaines, dressés pour l'accompagner à la chasse.

Mais les derniers spécimens de cet élégant félin ont disparu de ce pays dans les années 1950.

En 2013, la Cour suprême avait rejeté une première proposition faite par le ministère de l'Environnement, estimant alors qu'aucune étude scientifique ne recommandait cette réintroduction.

Mais mardi, ce tribunal a décidé d'autoriser une telle réintroduction à titre expérimental, afin de voir si le guépard africain pouvait s'adapter à l'environnement indien.

 

L'ancien ministre de l'Environnement Jairam Ramesh a salué cette décision.

"Ravi que la Cour suprême ait donné le feu vert à l'introduction de guépards venus de Namibie", a-t-il twitté.

"Le mot anglais pour guépard, 'cheetah', vient du sanscrit 'chitra', signifiant tacheté. C'est le seul mammifère qui a été chassé jusqu'à l'extinction dans l'Inde moderne", a-t-il souligné.

Les guépards, placés sur la liste des espèces vulnérables par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) étaient encore 100.000 au début du XXe siècle, répartis sur toute l'Afrique, le Moyen-Orient et jusqu'en Inde. Aujourd'hui, il en reste moins de 7.100 dans la nature, tous en Afrique, à l'exception d'une micro-population de quelques dizaines qui survit en Iran.

La réintroduction du guépard a fait l'objet de débats parmi les spécialistes en Inde, certains jugeant qu'elle allait enlever des ressources nécessaires à la préservation des autres animaux en danger dans ce pays, d'autres soulignant qu'elle pourrait aider l'espèce à survivre sur le long terme.

 

Considéré comme le plus faible des prédateurs, malgré ses pointes de vitesse à 120 km/h, le guépard a besoin de grands espaces à faible densité de carnivores pour ne pas avoir à subir la concurrence de plus redoutables chasseurs tels que les lions et les léopards.

Ainsi, quelque 77% d'entre eux vivent hors des zones protégées, les rendant particulièrement vulnérables vis-à-vis des fusils des fermiers, qui défendent leur bétail, et des activités humaines menaçant leur habitat.

© 2020 AFP

La décision de Pékin de suspendre les voyages organisés à l'étranger pour tenter d'enrayer l'épidémie du virus de Wuhan pourrait considérablement affecter le tourisme mondial, à commencer par certains pays asiatiques particulièrement dépendants de leurs visiteurs chinois.

Au moins 107 personnes sont mortes en Chine après avoir été infectées par ce nouveau coronavirus, selon un dernier bilan provisoire des autorités locales, qui multiplient les mesures drastiques pour freiner la contagion tant à l'intérieur qu'en dehors du pays.

Après le confinement de la métropole de Wuhan, épicentre de l'épidémie, puis de quasiment toute la province centrale du Hubei où vivent plus de 56 millions d'habitants, Pékin a annoncé ce week-end la suspension des voyages organisés en Chine et à l'étranger.

Or le nombre de touristes chinois à l'étranger a presque décuplé depuis 2003, l'année de l'épidémie de Sras, un précédent coronavirus, a relevé le cabinet d'études Capital Economics dans une note.

"Les dépenses de visiteurs chinois représentent à présent une part conséquente du PIB" (produit intérieur brut, ndlr) de certains territoires et Etats asiatiques, notamment Hong Kong, le Cambodge, la Thaïlande et Singapour, selon Capital Economics.

 

En 2003, l'épidémie de Sras en Asie avait fait fondre d'environ un tiers le nombre de touristes du pays. Si un plongeon similaire se produisait cette année, "cela amputerait entre 1,5 et 2 points de pourcentage du PIB des pays les plus vulnérables", toujours selon Capital Economics.

Coup dur pour les cosmétiques nippons

Tokyo, la chute du tourisme chinois se faisait déjà ressentir à Asakusa, un quartier touristique de la capitale prisé pour ses petits commerces, restaurants et temples.

"Nous avons vraiment moins de monde cette année", a déclaré lundi à l'AFP Yoshie Yoneyama, la gérante d'une boutique de pâtisseries et boissons japonaises traditionnelles à Asakusa. "Nous voyons particulièrement moins de touristes chinois. Je dirais qu'il y en a moitié moins par rapport à l'an dernier ou l'année d'avant", a-t-elle évalué.

Les Chinois sont devenus le premier contingent de visiteurs étrangers au Japon depuis que des restrictions sur leurs visas ont été allégées en 2015.

 

Alors qu'ils étaient moins de 450 000 à avoir séjourné au Japon en 2003, ils étaient près de 8,4 millions (hors Hong Kong) à s'y être rendus en 2018, soit près de 27% du total des visiteurs étrangers du pays, selon des statistiques de l'Organisation japonaise du tourisme (JNTO).

Malgré les JO de Tokyo cet été, il sera sans doute "très difficile" pour le Japon d'atteindre cette année son objectif de 40 millions de visiteurs étrangers à cause du virus, a averti Yuki Takashima, économiste de Nomura Securities interrogé par l'AFP.

Un fort déclin des touristes chinois au Japon aurait des conséquences au-delà du secteur touristique, car ces visiteurs achètent généralement sur place des produits électroménagers et des cosmétiques nippons, a-t-il encore prévenu.

Au Japon, "90% des achats de cosmétiques par des touristes étrangers proviennent des dépenses de clients chinois", ont rappelé des analystes de Mitsubishi UFJ Morgan Stanley dans une note.

 

Plages désertes à Phuket

Les ventes de produits cosmétiques via le "travel retail" (boutiques dans les aéroports) devraient aussi souffrir, même si à l'avenir le déclin d'achats physiques pourrait être compensé par le commerce en ligne, a complété Wakako Sato, analyste de MUFJ Morgan Stanley interrogé par l'AFP.

Les groupes japonais particulièrement dépendants des consommateurs chinois ont dévissé lundi à la Bourse de Tokyo : l'action du géant des cosmétiques Shiseido a sombré de 5,49% et celle du groupe d'habillement Fast Retailing (Uniqlo) de 5,66%, tandis que le voyagiste HIS a dégringolé de 6,76%.

L'économie japonaise devrait toutefois mieux encaisser le choc que d'autres pays asiatiques bien plus dépendants du tourisme, comme la Thaïlande, selon Stephen Innes, stratégiste chez AxiCorp interrogé par l'AFP.

 

Le tourisme pèse environ 18% du PIB thaïlandais, et les Chinois représentent plus d'un quart des visiteurs étrangers du pays. Le vide laissé par les Chinois se faisait déjà ressentir dans la station balnéaire de Phuket, dans le sud du pays : "Nous sommes très inquiets. Depuis deux jours les rues, les commerces et les plages sont déserts", a déclaré lundi à l'AFP Claude de Crissey, hôtelier et consul honoraire de France à Phuket. "Si la situation se prolonge cela pourrait être dramatique."

Le 13e Forum annuel des négociateurs pays d'investissement se tiendra à Bangkok, Thaïlande, 18 au 20 Février 2020. La réunion de trois jours est organisée par l'Institut international du développement durable (IIDD) et accueillie par le Gouvernement de la Thaïlande .

Le Forum a lieu chaque année depuis 2007 et a été spécialement conçu pour les fonctionnaires des gouvernements des pays en développement. Chaque événement a un thème différent, construit autour des dernières tendances et les enjeux dans le domaine du droit international des investissements et de la politique, et est organisée pour donner le temps de la discussion, le débat et l'apprentissage par les pairs parmi les participants impliqués. Parmi les intervenants figurent souvent des experts en droit d'investissement, les membres de la société civile, des représentants d'organisations internationales et régionales, et d'autres qui travaillent dans ce domaine.

De plus amples détails sur l'événement 2020 seront disponibles plus près de la date. Pour en savoir plus sur le Forum et son histoire, s'il vous plaît visitez le site Web suivant .

DÉTAILS DE L'ÉVÈNEMENT

18 au 20 février 2020

Bangkok, Thaïlande

"On fait ça pour le futur." Amin Farhat a rejoint une quarantaine de jeunes bénévoles tunisiens sur une colline pelée au cœur d'un paysage rocailleux. Mission du week-end: faire renaître une forêt incendiée en plantant de jeunes pousses de pin d'Alep.

Aux côtés de ce jeune cadre venu de Tunis, Hamdi, un étudiant de Sfax (est), se met à la tâche à peine son sac posé, après avoir parcouru 250 km pour se rendre jusqu'à la parcelle à reboiser, dans la région marginalisée de Siliana (centre).

"C'est l'occasion de s'amuser et de faire quelque chose de bien ensemble", explique cet adepte de camping et de randonnées, informé de l'opération via une des pages Facebook organisant ces sorties.

Amin et Hamdi font partie d'un réseau d'amoureux de la nature, alliés aux pouvoirs publics tunisiens autour d'un objectif ambitieux: planter 12 millions d'arbres d'ici fin 2020 à travers le pays --soit un par habitant.

 

"On ne peut y arriver que tous ensemble", souligne Baya Khalfallah, une des responsables de l'association Soli&Green, qui a lancé la campagne en novembre 2019.

"Pour atteindre notre objectif, nous comptons sur toutes les organisations (associatives), notre partenariat avec le gouvernement et, bien évidement, sur les bonnes consciences", ajoute-t-elle.

La plupart des bénévoles sont des citadins originaires des grandes agglomérations côtières, Tunis, Sfax et Sousse.

"On veut laisser une nature belle et protéger les ressources de notre pays", explique Amin, également militant d'une association de recyclage caritatif.

- "Nombreux, efficaces, gratuits" -

Soli&Green, fondée par une poignée de militants écologistes trentenaires, organise des week-ends de plantation d'arbres durant l'hiver, et oriente les organisations inspirées d'en faire autant.

Depuis novembre 2019, l'association répertorie toutes les opérations de reboisement à travers le pays et estime qu'à la mi-janvier, près d'un million d'arbres ont déjà été plantés.

 

Le gros du travail est effectué par l'Etat. C'est d'ailleurs le Commissariat régional de développement agricole (CRDA), organisme public, qui fournit aux volontaires une formation sommaire, des milliers de pousses et un camion citerne pour les arroser.

Mais les services publics se réjouissent de la mobilisation de la société civile.

"Quand nous travaillons avec des ouvriers, nous plantons 1.000 arbres par jour environ, mais avec les bénévoles, on peut en planter 4.000, voire 5.000 par jour. Ils sont nombreux, efficaces et c'est gratuit", argue Nizar Khlif, un des responsables du CRDA de Siliana.

"Et il y a une approche participative: ils impliquent la population locale."

A Siliana, 40 hectares de forêt sont partis en fumée dans un incendie criminel en 2017. Le jeune incendiaire présumé a indiqué espérer que le feu pousse les autorités à recruter des gardiens de forêt, lui ouvrant la possibilité d'un emploi.

 

"C'était comme si on perdait un membre de notre famille", se souvient Khairi Jaied, 14 ans, venu d'un village voisin participer à la replantation.

"J'ai beaucoup de bons souvenirs dans la forêt. C'est bien de voir ces gens aider notre région à retrouver ses ressources".

Désignant la colline caillouteuse, Khlifa Jaïdi, guide local de 46 ans venu du bourg voisin de Kesra, explique qu'"avant l'incendie, ici c'était une forêt dense".

- "Beaucoup à faire" -

Le reboisement, crucial pour limiter l'érosion et lutter contre le réchauffement climatique --les arbres captant le dioxyde de carbone (gaz à effet de serre) et le transformant en oxygène--, est aussi un moyen d'assurer des revenus aux habitants.

"Les gens ramassaient des graines de pins d'Alep pour faire le zgougou (un dessert traditionnel, ndlr), et du romarin, vendu pour en extraire l'huile essentielle", détaille M. Jaïdi.

Des incendies volontaires et feux de forêts grignotent chaque année des centaines d'hectares, mais les stratégies de reboisement de l'Etat, s'associant de plus en plus aux populations locales, semblent payer.

 

Forêts et maquis représentent désormais plus de 1,3 million d'hectares, soit environ 8,5% de la surface du pays, contre 7,4% en 2011, selon la direction générale des forêts.

L'objectif est d'arriver à 10% en 2024.

Reboiser après des incendies, mais aussi lutter contre la désertification en plantant des palmiers et oliviers dans le sud de la Tunisie: la tâche est vaste. De quoi rebuter les bénévoles?

Les mains dans la terre, Nessim Zouaoui, entrepreneur de 26 ans, reconnaît être parfois "découragé, car il y a beaucoup à faire".

"Je passe le plus clair de mon temps libre à nettoyer des plages et planter des arbres", dit ce militant de l'association Tounes Clean Up.

"Mais on vient d'aller voir une parcelle voisine où on avait travaillé en mars, et on s'est rendu compte qu'on avait carrément planté une forêt. C'est vraiment motivant!"

© 2020 AFP

Des langues locales massivement parlées mais exclues du système éducatif

Dans un pays comme le Sénégal, – où il existe 22 langues locales codifiées : wolof, pulaar, sereer, joola, màndienka, sóninké, hasaniya, balant, mànkaañ, noon, mànjaku, mënik, oniyan, saafi-saafi, guñuun, laalaa, kanjad, jalunga, ndut, bayot, paloor et womey –, l’arrivée de textes internationaux et la diffusion de l’information posent la question de savoir dans quelle(s) langue(s) les populations doivent être informées.

Tandis que le français, langue officielle, de l’administration, des systèmes éducatif et judiciaire, n’est compris que par environ 20 % de la population, le wolof, comme véhiculaire principal, pratiqué et compris par plus de 70 % de la population, ne bénéficie d’aucun statut officiel dans la gestion du quotidien des populations. D’où les revendications pour le développement d’un multilinguisme langues locales/langues étrangères dans le système éducatif qui se font aujourd’hui de plus en plus pressantes.

Pour rappel, en 2015, les Nations unies ont adopté 17 Objectifs de développement durable (ODD), dans le but de « transformer notre monde [et de l’emmener] vers un développement durable à l’horizon 2030 », avec pour ambition de ne laisser personne de côté dans cette quête.

Ces objectifs ont été traduits en wolof et diffusés en juillet 2016. Nous avons ainsi pu observer cette campagne d’affichage, en français et en wolof, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), l’université publique la plus importante du pays, avec près de 90 000 étudiant·e·s. Elle offre la particularité d’être ouverte aux populations et de constituer un lieu de passage. Il y avait donc là une volonté manifeste d’informer, d’éduquer et d’impliquer les étudiant·e·s, et au-delà.

C’est ce même souci d’appropriation par les populations de textes officiels qui avait prévalu en 2008-2009 à la traduction en wolof et à la diffusion de la « Charte de gouvernance démocratique » issue des assises nationales.

Relever le défi des traductions approximatives en langues locales

À travers des exemples tirés des ODD et de la « Charte de gouvernance démocratique », le but ici est d’observer le possible décalage entre l’idée véhiculée par le texte en français et celle exprimée par la traduction en wolof, ainsi que la réception des messages auprès des populations.

Sur le campus de l’Université, l’affichage en français exposait ainsi les 17 objectifs accompagnés de pictogrammes et de slogans.

En revanche, pour le wolof, seuls les 17 pictogrammes et slogans avaient été affichés.

Si l’on examine l’objectif 1, on perçoit d’emblée un décalage entre l’information donnée dans les deux langues.

En français, on dispose d’une glose – « Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde »– et d’un slogan : « Pas de pauvreté ». En wolof, seul le slogan « Amul ñàkk » accompagne le pictogramme. La traduction en wolof respecte bien la construction nominale française dans le slogan : « pas de » est traduit par « Amul » qui signifie ici « il n’existe pas » ; « pauvreté » est rendu par « ñàkk ». Cette traduction mot à mot du slogan français est peut-être compréhensible, mais en wolof elle finit par nier la pauvreté. L’expression « Amul ñàkk » ne fixe pas un objectif à atteindre, comme indiqué dans la glose en français, mais elle exprime une simple négation de la pauvreté. Si la traduction en wolof avait été faite avec l’objectif « d’éliminer la pauvreté… », il n’aurait pas fallu utiliser « Amul », mais un verbe impliquant « une action allant contre… ».

De la même façon, pour l’objectif 2, la glose dit : « Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable » ; et le slogan retient : « Faim “zéro” ».

En wolof, le slogan dit : « Xiif dëddu », littéralement « la faim (xiif) s’en va (dëddu) ». Ainsi, la construction en wolof ne rend pas compte de la volonté manifestée par le slogan, à savoir lutter pour « éliminer la faim… », avec la collaboration et l’implication des populations.

Dans ces deux exemples, en se fondant sur le texte en wolof, la compréhension que l’on peut avoir des objectifs est très différente du contenu en français : même si l’initiative est à saluer, on observe que dans le passage au wolof, l’information est tronquée, dénaturée, voire incompréhensible.

Multilinguisme des échanges, unilinguisme de la rédaction

En 2008-2009, dans un contexte de dialogue politique bloqué, l’opposition sénégalaise et la société civile ont initié des consultations citoyennes dénommées « les Assises nationales du Sénégal », qui ont duré une année entière. La « Charte de gouvernance démocratique », qui en a découlé a été rédigée en français et traduite dans plusieurs langues nationales, dont le wolof.

Arrêtons-nous sur la première phrase du préambule et le premier principe de la charte.

En français : « Pour un Sénégal nouveau »

En wolof : « Ngir taxawal Senegaal bu bees »

Littéralement : « Pour ériger un Sénégal qui est nouveau »

En français, la formule inaugurale comprend à la fois le pays concret mais aussi la Nation avec tout ce que cela comporte d’abstrait : culture, valeurs, langues, liberté ou sens de l’appartenance, etc. En wolof, le choix du terme « taxawal » focalise sur les aspects concrets (à l’exemple d’un monument, d’une statue, d’un quartier ou d’une maison à ériger ou à bâtir), en excluant toute la dimension abstraite.

En français, ce qui est à renouveler, c’est – entre autres choses – la démocratie, la politique linguistique, la gestion des deniers publics, le statut de l’opposition ou la politique industrielle, etc., tout ce qui a fait le Sénégal et qui est en train de disparaître, ou d’être perdu. En wolof, il s’agit simplement d’une construction nouvelle.

Autre exemple :

En français : « Le Sénégal est une République laïque et démocratique »

En wolof : « Senegaal réewu demokaraasi la, mu teqale doxalinu nguur ak mbiru diine » ;

Littéralement : « Le Sénégal est un pays de démocratie, il sépare la gestion du pouvoir des affaires religieuses ».

La liberté d’intervertir l’ordre des adjectifs « laïque » et « démocratique » pour les besoins de la construction en wolof est à saluer. La traduction dit d’abord que le Sénégal est une démocratie avant de proposer une explicitation du terme « laïque » (« sépare la gestion du pouvoir des affaires religieuses »). La traduction participe ainsi à l’éducation des populations susceptibles de penser, comme bon nombre de femmes et d’hommes publics (du milieu politique ou des médias…), que les termes « laïque » ou « laïcité » renvoient à la non-croyance en Dieu, à la négation de Dieu.

Ces « consultations citoyennes » se sont déroulées, la plupart du temps, en langues nationales mais aussi en français. Il est curieux de constater que La Charte a été rédigée en français, puis traduite en langues locales. On était plutôt en droit d’attendre qu’au multilinguisme des échanges corresponde un multilinguisme dans la rédaction de la charte.

Les arguments aujourd’hui avancés, au Sénégal, en faveur d’un français qui serait « unificateur » au sein d’une variété linguistique conçue comme « complexe » ne peuvent pas tout justifier.

La nécessité de réhabiliter les langues nationales

Comme l’avait dit Arame Fall en 1990 (“Les politiques linguistiques africaines : tendances générales et perspectives” in Des langues et des villes, Didier érudition, p. 71), il est certainement temps pour nos États, indépendants depuis plus d’une cinquantaine d’années, de :

« […] choisir, avec tout ce que cela peut comporter de douloureux […] la mise en œuvre d’une politique linguistique qui donne aux langues nationales la place qui leur revient dans la gestion de la chose publique… Chaque État [devra] donner un statut officiel à la (ou aux) langue(s) qu’il s’est choisie(s) souverainement et définir le statut des langues retenues entre elles – en cas de plurilinguisme – et par rapport au français dans l’espace francophone, [par exemple…] ».

Déjà, en 1981, les États généraux de l’Éducation et de la Formation avaient mis l’accent sur la nécessité de réhabiliter les langues nationales. Depuis lors, des efforts importants ont été fournis dans le sens de la codification de toutes les langues du pays par la Direction de l’Alphabétisation et des Langues nationales. À l’Université, des recherches importantes ont aussi permis l’utilisation des avancées de l’informatique pour la graphisation et la présence sur Internet des langues locales. Par ailleurs, des initiatives ont été développées en faveur de l’exploitation des méthodologies et technologies développées ces dernières années en matière de constitution de dictionnaires, de bases de données lexicales et terminologiques.

Tout ce processus inévitable de promotion des langues locales sénégalaises jouera pleinement son rôle quand il aidera à outiller ces langues afin de leur permettre notamment d’intégrer le système éducatif formel et d’avoir une participation plus active aux échanges politico-administratifs officiels. Il est certain que la mise en place d’une institution d’enrichissement et de régulation terminologique serait indispensable…

Au-delà du problème de traduction, c’est bien une question de souveraineté nationale et de droit à l’information qui est soulevée ici.

Enseignant-chercheur, Université Cheikh Anta Diop de Dakar

Enseignante-chercheuse, Université Sorbonne Paris Nord – USPC

Depuis quelques années, le terme « émergence » est employé pour définir ce qui serait la nouvelle trajectoire de l’Afrique subsaharienne. Ce terme a remplacé le mot « développement » qui fait aujourd’hui complètement « has been ». Au XXe siècle, l’Afrique subsaharienne était censée se développer ; au XXIe siècle elle est censée émerger. Ainsi, sur 54 pays africains, 37 ont lancé un plan visant à devenir un « émergent » à moyen terme.

L’émergence signifie que des mutations socio-économiques profondes sont à l’œuvre. L’urbanisation est rapide et change les modes de vie. Une classe moyenne fait son apparition. Les perspectives de croissance des économies africaines – qui sont qualifiées de « lions » ou d’« éléphants » en fonction des rapports – sont prometteuses et pérennes. Les entrepreneurs africains innovent et créent de nouveaux biens et des services grâce aux technologies numériques qui connectent les Africains à d’autres mondes. Les femmes africaines luttent pour améliorer leur statut dans la société.

Mais le nouveau concept d’émergence résume-t-il vraiment la trajectoire de l’Afrique depuis le début du XXIe siècle alors que les bienfaits de la globalisation sont de plus en plus mis en doute, qu’une nouvelle crise de la dette pointe à l’horizon et que des centaines de milliers d’Africains fuient le continent au péril de leur vie ?

Qu’est-ce que l’émergence ?

Depuis plus d’une décennie, ce concept domine le discours sur l’Afrique et une conférence sur l’émergence a lieu chaque année à l’initiative du président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara.

L’émergence se caractérise par :

  • un taux de croissance à deux chiffres ;

  • la formation d’un marché de consommation et de son corollaire sociologique, une classe moyenne autrefois inconnue ;

  • un regain d’investissements privés importants qui signale l’attractivité des marchés africains ;

  • l’accès d’une part grandissante de la population aux nouvelles technologies de la communication.

Entre 2001 et 2010, six des dix pays avec le taux de croissance économique le plus élevé au monde étaient africains : l’Angola (1er), le Nigeria (4e), l’Éthiopie (5e), le Tchad (7e), le Mozambique (8e) et le Rwanda (10e).

Les nouvelles technologies se répandent à un rythme soutenu en Afrique avec un taux de pénétration de l’Internet mobile qui doit passer pendant la période 2016-2020 de 26 % à 38 % de la population. Et dans un rapport qui est devenu célèbre (« Le milieu de la pyramide : les dynamiques de la classe moyenne africaine »), la Banque africaine de développement (BAD) estimait en 2011 qu’environ 370 millions Africains appartenaient à la classe moyenne, soit 34 % de la population du continent. Bref, l’émergence est une façon de dire que l’Afrique se met au diapason des évolutions du XXIe siècle.

L’émergence à la loupe

Comme tout phénomène nouveau, l’émergence a son observatoire.

En 2017, un think tank d’experts africains, l’Observatoire pour l’émergence en Afrique, a rendu public la première édition de son « index de l’émergence en Afrique ». Ce travail fournit une définition de l’émergence et pratique le classement par indicateurs.

L’émergence est définie comme « un processus de transformation économique soutenue qui se traduit par des performances aux plans social et humain, et qui prend place dans un contexte politique et institutionnel stable susceptible d’en assurer la soutenabilité ». L’index de l’émergence est une tentative d’objectiver le processus d’émergence avec des indicateurs empruntés à d’autres outils d’évaluation tels que l’indicateur de développement humain du PNUD et les indicateurs de gouvernance institutionnelle développés par la Banque mondiale.

L’index de l’émergence en Afrique établit ainsi une classification des pays africains en les qualifiant d’« émergent », de « seuil », de « potentiel », ou « autre ». Selon cet index, il n’y aurait que 11 pays émergents en Afrique sur 54. Les résultats sont, par ailleurs, très contrastés non seulement selon les régions du continent mais à l’intérieur même de ces régions.

En 2018, quid de l’émergence ?

En 2018, que reste-t-il de la croissance pérenne et des champions de l’émergence d’il y a dix ans : Mozambique, Angola, Nigeria, Éthiopie, Tchad et Rwanda ? 

Parmi eux, le Rwanda est le seul à confirmer dans la durée ses bonnes performances (taux moyen de croissance du PIB de 8 % de 2001 à 2015, réduction du taux de pauvreté de 44 à 39 %, etc.).

Après avoir tenté de dissimuler au moins deux milliards de dollars d’emprunts, le Mozambique est en pleine crise de surendettement ; l’Angola est passé d’un taux de croissance du PIB de 20 % en 2006 à 1 % en 2017 et a frôlé le défaut de paiement ; le Nigeria – qui est entré en récession en 2016 (-1,6 %) sous l’effet de la chute des cours du baril – n’en sort que très timidement en 2017 (+0,8 %) ; l’Éthiopie connaît une crise politique complexe depuis 2015 ; et le Tchad, producteur de pétrole depuis le début du siècle, fait la manche auprès des pays du Golfe arabique et vient s’ajouter à la longue liste des pays qui peinent à payer leurs fonctionnaires. Les marges de manœuvre budgétaires de ces gouvernements sont réduites à peu de choses après deux ou trois années extrêmement difficiles.

La classe moyenne revue et corrigée

En ce qui concerne les classes moyennes africaines érigées en symbole du dynamisme du continent et en nouveau marché prometteur du capitalisme de consommation, l’enthousiasme initial du rapport de la BAD en 2011 a été tempéré par d’autres études.

En effet, pour la BAD, un Africain appartient à la classe moyenne lorsque son revenu quotidien est compris entre 2,2 et 20 dollars. Mais appartenir à la classe moyenne ne signifie pas seulement être capable de se nourrir, de se loger et de se vêtir aujourd’hui mais aussi demain et les jours qui suivent. Par conséquent, selon d’autres travaux, il est plus exact de mettre la barre monétaire de la classe moyenne à partir d’un revenu de 12 dollars par jour.

Du coup, le poids de la classe moyenne africaine sur le continent s’approcherait davantage des 13 % que des 34 %, représentant près de 143 millions d’Africains… Ce n’est donc plus un Africain sur trois qui appartiendrait à la classe moyenne mais un sur dix. Une classe moyenne africaine émerge (les Cheetahs au Kenya, les Black Diamonds en Afrique du Sud), mais les pauvres restent encore très majoritaires.

La dépendance économique, paradigme fondamental de l’Afrique

Le paradigme de la dépendance change mais persiste. Des trois facteurs-clés de la croissance économique (technologie, capital et travail), deux viennent d’ailleurs.

Les inventions de la troisième révolution industrielle qui changent le quotidien des Africains n’ont pas eu lieu en Afrique. De même, les transferts financiers des migrants, les investissements directs étrangers et l’aide publique au développement représentent 2,5 fois le montant des capitaux privés investis par le secteur privé du continent.

Qu’il s’agisse d’un pays avec de bonnes performances comme le Rwanda ou d’un des pays les plus pauvres du monde comme le Burundi, l’aide étrangère continue d’assurer une part substantielle de leur budget national et donc de la viabilité financière des États africains. Pour le premier, celle-ci évolue entre 30 et 40 % du budget national, tandis qu’avant la suspension de l’aide des bailleurs européens en 2016, celle-ci représentait plus de 50 % du budget burundais.

Du XXe au XXIe siècle, la dépendance de l’Afrique est résiliente et elle présente toujours les mêmes symptômes. Ainsi, les pays producteurs de matières premières (hydrocarbures et minerais) n’ont pas profité de la décennie des cours élevés pour diversifier leur économie et restent prisonniers de l’évolution cyclique du marché des matières premières. Les accès de nationalisme des ressources des gouvernants quand les cours remontent dissimule mal les rentes personnelles qu’ils retirent de cette servitude volontaire.

Le surendettement qui a frappé les économies africaines dans les années 80 est de retour. Selon le FMI, huit pays sont en situation de surendettement (dont celui qui était la « success story » économique du continent, le Mozambique) et autant présentent un risque élevé d’y basculer. La dette publique en Afrique subsaharienne représentait 45 % du PIB fin 2017, en hausse de 40 % en trois ans ! Le gouvernement chinois qui est désormais le grand prêteur de l’Afrique s’inquiète maintenant ouvertement de la non-solvabilité de certains gouvernements africains.

La bonne vieille dépendance a néanmoins changé de visage : au XXIe siècle, ceux dont les gouvernements africains dépendent ne sont plus les mêmes. Dans un contexte où l’aide publique occidentale diminue tendanciellement et où les gouvernements occidentaux se désengagent d’Afrique (sauf évidemment en ce qui concerne la lutte contre les djihadistes), d’autres prêteurs (chinois ou arabes) et les multinationales sont devenues les nouveaux maîtres du jeu, comme l’a appris le président tchadien Idriss Déby à ses dépens.

De quoi l’émergence est-elle le nom ?

L’émergence apparaît simultanément comme une actualisation du vocabulaire, l’autre mot pour dire « développement » au siècle de la globalisation, comme un concept déjà dépassé qui ne parlerait que de la première décennie de ce siècle et comme un coup de marketing par définition éphémère.

Pourtant elle met au grand jour d’importantes et durables réalités :

  • L’émergence est avant tout un rattrapage. Si le continent africain émerge, c’est aussi le dernier à le faire. En 2014, avec un milliard d’habitants, la production d’électricité sur le continent s’élevait à 80 GW, soit l’équivalent de celle de la Corée du Sud qui compte 51 millions d’habitants. De même, l’Afrique subsaharienne est le dernier continent qui se met à produire l’invention symbole du XXe siècle : l’automobile. Le rattrapage est certes en cours avec une timide reprise de la croissance depuis 2017 mais, compte tenu du fait que le reste du monde évolue économiquement et technologiquement de plus en plus vite, la course sera longue et probablement pas en ligne droite mais plutôt en zigzags.

  • La question de la gouvernance publique reste centrale pour réduire la dépendance. Cela exige un gouvernement intègre, volontariste et capable d’agir dans la longue durée pour développer de manière endogène les facteurs de croissance. À ce titre, la formation de la main-d’œuvre africaine devrait être une priorité réelle au lieu d’être un engagement cosmétique des gouvernements.

  • Après avoir été l’arrière-cour des puissances européennes et de leurs rivalités au XIXe siècle, l’Afrique est au XXIe siècle l’arrière-cour des puissances émergentes et de leurs rivalités. Depuis le début du siècle, la Chine, le Brésil, l’Inde, la Turquie, la Corée du Sud, etc., ont développé de nouvelles relations multidimensionnelles avec les pays africains, y compris pour certains d’entre eux des relations militaires. La lutte entre le Qatar et l’Arabie saoudite résonne jusqu’au Sahel et dans la Corne de l’Afrique grâce à la diplomatie du pétrodollar à l’égard de gouvernements africains ayant désespérément besoin d’argent et prêts à se louer à un camp ou un autre.

Ce qui émerge de l’Afrique : la puissance des autres et plus particulièrement de la Chine

L’Afrique est le lieu où les vrais émergents (asiatiques et arabes) projettent en premier leur nouvelle puissance et s’offrent de nouvelles clientèles dans le cadre d’une compétition acharnée. Même les vieilles puissances sur le retour (comme la Russie) y font aujourd’hui leur come-back.

À ce jeu, la Chine reste en tête. Pendant ces 20 dernières années, sa croissance l’a rendu avide de matières premières africaines et elle est désormais le premier partenaire commercial et premier bailleur bilatéral du continent.

Paradoxalement, ce qui émerge derrière l’émergence de l’Afrique, c’est avant tout la puissance chinoise. Or dans un continent très dépendant financièrement, la position dominante chinoise n’est pas sans conséquence politique pour les Africains, y compris en termes de politique intérieure. Les appuis qu’apporte Pékin au régime du président Kabila contre son peuple, en République démocratique du Congo (RDC), et la bienveillance de la Chine à l’égard de la mise à l’écart du président Mugabe au Zimbabwe sont les premiers indices d’ingérence de la part d’une nouvelle puissance internationale qui se targue d’être non impérialiste par nature mais s’implante militairement sur le continent et joue de sa domination économique quand bon lui semble.

Pratiquée par les Occidentaux et l’URSS pendant la Guerre froide, la diplomatie du portefeuille et du clientélisme a encore de beaux jours devant elle dans une Afrique qui « émerge » lentement.

Enseignant en sécurité et conflit en Afrique, Sciences Po – USPC

Les zèbres ressemblent à des chevaux à bien des égards (ou plutôt à des poneys, vu leur taille). Pourtant, les chevaux ont été domestiqués, tandis que les zèbres sont restés sauvages, car il existe des différences fondamentales entre ces deux animaux. Alors, comment les zèbres sont-ils parvenus à éviter le destin de bêtes de somme ou de bêtes de course ? Et qui s’en sort le mieux aujourd’hui, du cheval ou du zèbre ?

Évidemment, les humains ont tenté de monter et de faire galoper les zèbres, à la fois par attrait de la nouveauté et en raison de leurs apparentes similitudes avec les chevaux. Le film de 2005, Racing Stripes (Courses de rayures) raconte ainsi l’histoire d’un jeune zèbre qui veut participer à des courses de chevaux – sauf que les réalisateurs ont dû tourner certaines scènes avec un cheval pour doubler le zèbre (à l’image, c’est la queue qui trahit le cheval).

Un ancêtre commun

La crinière et la queue du zèbre ressemblent davantage à celles des ânes, ce qui reflète l’évolution du gène Equus. Même si les chevaux, les ânes et les zèbres ont un ancêtre commun, l’Hyracotherium, qui vivait en Europe et en Amérique du Nord il y a 55 millions d’années, les divergences dans leurs gènes montrent que le zèbre et l’âne sont plus proches entre eux que l’âne ou le zèbre ne le sont du cheval.

Les équidés nord-américains (les équidés désignant la famille des chevaux) ont disparu il y a 8 à 10 000 ans de cela. En Europe comme en Asie, l’homme du paléolithique a parcouru les plaines pour chasser sans relâche les troupeaux de chevaux sauvages. Le changement climatique, le boisement et la chasse ont progressivement repoussé les animaux vers les zones semi-désertiques d’Asie centrale.

L’ancêtre sauvage du cheval domestique (Equus ferus) a été apprivoisé pour la première fois à l’ouest de la steppe eurasienne, zone où l’on a retrouvé les premières traces archéologiques de sa domestication. Des études récentes montrent également que les chevaux sauvages venaient grossir les rangs des troupeaux de chevaux domestiqués, tandis qu’ils s’éparpillaient dans toute l’Eurasie.

Chevaux à tout faire

Les chevaux ont d’abord été domestiqués pour leur viande, mais leur immense potentiel pour le transport, la communication et la guerre en ont rapidement fait des alliés importants du développement de la civilisation. En Mongolie, le pays du cheval, c’est sur son fier destrier que le légendaire guerrier Gengis Khan a conquis des terres qui s’étendaient de la Hongrie à la Corée et de la Sibérie au Tibet, au XIIIe siècle.

Alors, si le cheval a joué un rôle si important dans notre civilisation, pourquoi n’est-ce pas le cas du zèbre ? Les premiers humains sont apparus sur le continent africain, il paraît donc étonnant qu’ils n’aient pas cherché à exploiter le potentiel du zèbre, qui vivait dans les parages.

Contrairement aux équidés eurasiens, cependant, la population de zèbres africains était relativement protégée et particulièrement adaptée à son environnement. Tous les équidés sont des herbivores, et en tant que proies, ils ont tous développé une réaction puissante en cas de danger : ils fuient, ou ils se battent. Afin de survivre dans un environnement peuplé de grands prédateurs tels que le lion, le guépard et la hyène, le zèbre est devenu un animal très vif et très réactif capable de s’enfuir quand il est confronté au danger et qui sait aussi se défendre vigoureusement s’il est capturé.

Des ruades et des morsures

La ruade d’un zèbre peut casser la mâchoire d’un lion. Le zèbre peut aussi infliger des morsures terribles et possède un réflexe d’esquive qui empêche quiconque de l’attraper au lasso : autant de puissantes réactions d’évitement qui ont peut-être été favorisées par la familiarité des zèbres avec les chasseurs-cueilleurs.

En somme, le zèbre n’est pas très porté sur l’espèce humaine, et il ne répond pas aux critères requis pour la domestication d’une espèce animale. Selon l’explorateur et savant Francis Galton (un parent de Charles Darwin), ces critères incluent que l’animal ait un certain goût du confort, qu’il soit facile de s’en occuper, qu’il soit utile à l’homme et qu’il en apprécie la compagnie.

Pour Galton, le zèbre est l’exemple type de l’espèce impossible à domestiquer. Il indique que les Boers, en Afrique du Sud, ont essayé plusieurs fois de harnacher des zèbres. Même s’ils y sont parvenus quelquefois, la nature sauvage et têtue de l’animal déjouait la plupart de leurs tentatives.

Libres mais menacés

Bien qu’il semble possible de domestiquer un zèbre isolé, cette espèce n’est pas une bonne candidate à la domestication. Outre la nature intraitable du zèbre et son puissant instinct de survie, le fait qu’il soit un « aliment pour lion » l’a peut-être rendu moins attrayant aux yeux des premiers humains.

La domestication et l’élevage sélectif ont certainement transformé les caractéristiques physiques et comportementales du cheval, qui à l’origine était sans doute plus petit, plus sauvage et plus proche du zèbre que le cheval d’aujourd’hui.

Et même si les chevaux travaillent dur, vivent dans des environnements plus urbanisés que les zèbres et font ce que leur propriétaire leur demande, ils vivent en sécurité et jouissent d’un certain confort. En réalité, la domestication les a sauvés de l’extinction. En tant que stratégie de survie, la domestication a même très bien marché pour la population de chevaux, qui atteint désormais 60 millions d’individus.

De leur côté, les zèbres sont aujourd’hui moins de 800 000, les humains étant la plus grande menace pour leur survie. La liberté leur a coûté cher.

Reader in Equitation Science, Nottingham Trent University

Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique « Universités et ville durable », sujet du colloque de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) qui se tient les 21 et 22 octobre 2019 à Dakar, avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, maires, et experts en urbanisme dans le monde francophone.

Comment penser aujourd’hui la mobilité pour anticiper ses effets à long terme ? Des effets désormais inscrits dans le contexte brûlant du changement climatique mis en évidence par les derniers rapports du GIEC et les récentes analyses françaises qui projettent, dans le pire des scénarios possibles, une augmentation des températures de sept degrés à l’horizon 2100.

Les villes du monde, quelle que soit leur localisation – dans les pays développés, émergents ou en développement – sont mises au pied du mur et contraintes de réfléchir à des solutions efficientes afin de contenir ces dérèglements climatiques.

Elles occupent, en effet, 3 % des terres émergées, représentent 80 % de la production économique mondiale et génèrent à elles seules plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre. En 2050, d’après les estimations de la Banque mondiale, la population des zones urbaines devrait représenter deux tiers de la population mondiale. Comme le soulignait, dès 2015, John Wilmoth, le directeur de la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales des Nations unies : « La gestion des zones urbaines est devenue l’un des défis de développement les plus importants du XXIe siècle ».

Croissance urbaine chaotique

Comment planifier le développement urbain pour améliorer la performance économique et la qualité de vie des villes tout en réduisant les émissions de GES ?

La croissance urbaine de ces dernières décennies s’est illustrée par une expansion non planifiée et non structurée engendrant une augmentation notable des distances moyennes de déplacement (+13 % entre 1990 et 2017 en France) et de la circulation automobile (+39 % depuis 1990 en France) qui, malgré une amélioration constante de la performance environnementale des véhicules, ne semble pas pouvoir compenser l’accroissement des kilomètres parcourus et ses effets induits sur la croissance exponentielle des GES.

Il semble aujourd’hui difficile de parvenir à une baisse drastique des émissions à court terme, c’est-à-dire, d’après le rapport d’octobre 2018 du GIEC, de l’ordre d’une diminution de 50 % des GES pour maintenir un réchauffement à 1,5 °C à l’horizon 2030, sans une rupture forte en matière d’énergie, de transport, d’usage du sol ou des bâtiments.

Contenir le réchauffement en dessous de 2 °C signifie que chaque Français n’émette pas plus de 2 tonnes de CO2 par an tous secteurs confondus (transport, logement, loisirs, etc.), contre plus de 10 tonnes actuellement. Or, pour réaliser un déplacement, un Français émet déjà, en moyenne, 3 tonnes de CO2 par an. Le secteur du transport apparaît donc comme le levier sur lequel il est urgent d’agir pour lutter contre le changement climatique.

La rupture doit ainsi porter sur les pratiques de mobilité et, principalement, sur la diminution du recours à la voiture particulière. Notons que 60 % des déplacements domicile-travail sont inférieur à un kilomètre en France, la moitié des salariés travaillant à moins de 8 km de chez eux.

Le rôle de l’urbanisme

Des solutions existent afin de favoriser le report modal : développement d’infrastructures de transport collectif efficientes, évolution de la gouvernance des autorités organisatrices de la mobilité afin de faciliter l’intermodalité entre les transports urbains et interurbains (création de syndicats mixtes par exemple), aménagement des espaces dédiés aux vélos, gratuité des transports, télétravail ou encore mobilités servicielles.

L’urbanisme doit, également, jouer un rôle important en générant de nouveaux rapports à la ville afin de réduire la mobilité subie par les individus. Dans son ouvrage La Ville cohérente, Jean‑Pierre Orfeuil, professeur émérite à l’École d’urbanisme de Paris (Université Paris Est), proposait de rapprocher activités, habitat et infrastructures afin de réduire la portée des déplacements quotidiens ; ou bien de réguler les vitesses en passant du « plus vite moins cher » au « moins vite, plus près ».

La répartition spatiale des fonctions et des activités urbaines influence les comportements de mobilité par une diversité dans les usages du sol et un partage équilibré entre les emplois et les résidences. La variété des emplois au sein d’une zone doit, ainsi, permettre le développement des déplacements à portée locale.

Les restrictions de circulations telles que les péages urbains préconisés en expérimentation dans la loi Grenelle (2010) mais rejetés par loi d’orientation des mobilités de 2019 ou le stationnement peuvent, également, contribuer à infléchir les changements de comportement.

Enfin, un autre élément, et non des moindres, pourrait être de donner un signal-prix pour inciter les ménages à consommer moins de pétrole. Toutefois, comme l’ont montré les événements de l’automne 2018 en France, cette solution semble encore loin d’être acceptée par la société. Pourquoi ? Peut-être parce que, d’une part, le poids des dépenses en transport des ménages qui représente en moyenne 14,4 % de leur budget ne cesse d’augmenter, notamment en transport individuel entraînant, ainsi, une hausse du coût individuel de la voiture devenue, désormais, irréversible.

D’autre part, une hausse du coût du carburant ne peut pas être imputée à l’ensemble de la population sans distinction de revenus alors qu’il existe des différences drastiques entre les ménages. En effet, en pourcentage du revenu des foyers, le poids des dépenses énergétiques représente 15 % en moyenne pour les 20 % les plus pauvres et 6 % pour les 20 % les plus riches. Les carburants représentant respectivement 4,6 % et 2,4 %. Ainsi, comme le préconise l’économiste Jean Gadrey, pour être efficient, « le signal-prix doit s’intégrer à des politiques plus systémiques des transports, de la mobilité et de l’utilisation de l’espace ».

Se loger en ville

Les chiffres relatifs à la variation des prix du logement dans les aires urbaines françaises sur les dix dernières années révèlent un accroissement de près de 100 %, réduisant ainsi de manière très significative l’accès au logement pour de nombreux ménages.

Par conséquent, les ménages les plus modestes et les classes moyennes sont largement amenés à s’éloigner des centres urbains pour se loger et en particulier pour accéder à la propriété. Ce phénomène de relégation entraîne des effets négatifs sur les mobilités des ménages concernés : allongement des distances et des temps de trajet et, par conséquent, augmentation des coûts induits par la mobilité quotidienne d’autant que les territoires périurbains et éloignés des centres impliquent une plus grande dépendance automobile. Les ménages se trouvent ainsi confrontés à une vulnérabilité accrue face aux coûts du logement et de la mobilité.

Cette vulnérabilité se définit au regard d’une part du risque d’isolement social – limitation de l’accès aux aménités et diminution possible des déplacements de loisirs ou de visite – et d’autre part du risque de pauvreté directement lié aux coûts cumulés de logement et de déplacement.

D’après les travaux de recherche de Damase Ngouma (conduits en 2018 sur des quartiers précaires de Brazzaville en République du Congo), ce même phénomène semble s’opérer dans les métropoles d’Afrique subsaharienne, caractérisées par une croissance urbaine s’accompagnant du développement des espaces périphériques de taille de plus en plus importante. On peut observer, ainsi, une « périphérisation des couches moins aisées » sans toutefois succomber à la généralisation de ce phénomène étant donné que, comme on peut l’observer dans les espaces périphériques des métropoles françaises telles que Bordeaux par exemple, ces espaces accueillent une population hétérogène allant des catégories modestes aux plus aisées.

Par conséquent, des solutions similaires peuvent être proposées afin de répondre à ces problématiques de vulnérabilités des populations qui se posent à la fois dans les villes des pays du Sud et du Nord.

Il s’agit d’accompagner les politiques publiques dans leur maîtrise foncière et immobilière afin de favoriser l’accès au logement des villes-centres pour toutes les catégories de population et ainsi atténuer les phénomènes de relégation et de choix de localisation contraints.

Il convient également de proposer des solutions intégrées entre besoins et usages par une offre de transport efficiente et une organisation spatiale des fonctions et des activités urbaines permettant d’influer sur les comportements de mobilité. La diversité dans les usages du sol doit conduire à un partage équilibré de l’espace entre les lieux d’emplois et les lieux de résidence afin de faciliter les déplacements de portée locale. Ainsi, cela permettra-t-il de pouvoir envisager la mise en place de modes de transport alternatifs ou complémentaires à la voiture particulière et donc d’infléchir le niveau des émissions de polluants et de GES.

Maître de conférences, amenagement de l’espace, urbanisme, Université Bordeaux Montaigne

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