Les publications du GIEC sont très attendues, elles sont la boussole de la lutte contre le réchauffement climatique. Un brouillon du sixième rapport, dont la publication est prévue pour début 2022, a fuité dans la presse. Sécheresse, famine, niveau insuffisant de préparation...Les conclusions sont alarmantes et pires encore que les dernières de 2014. Prudence cependant, alertent les scientifiques et le GIEC lui-même, le travail est encore en cours et le document va fortement évoluer.
L'Agence France Presse a eu accès à un brouillon des travaux des experts de l’ONU pour le climat et il semble que les observations soient encore pires que celles des derniers travaux de 2014. Les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l'humanité qui en dépend vont s'accélérer et devenir douloureusement palpables bien avant 2050, ont estimé dans une première version le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui fait autorité en la matière.
Mais ces conclusions sont encore à prendre avec précaution. Dans un communiqué publié dans la foulée, le GIEC alerte sur le fait que le texte en question n’est qu’un document de travail qui a circulé "entre décembre et janvier 2021", en vue de la publication du sixième rapport, prévue pour février 2022.
Trois points ressortent de ces premières conclusions. Dans un premier temps, les experts ont abaissé le seuil au-delà duquel le réchauffement peut être considéré comme acceptable. En signant l'accord de Paris en 2015, le monde s'est engagé à limiter le réchauffement à +2°C par rapport à l'ère pré-industrielle, si possible +1,5°C. Ce ne serait pas suffisant. Dépasser +1,5°C pourrait déjà entraîner "progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles", cite l’AFP. Même à ce seuil, il est déjà peut être trop tard pour certains organismes qui n’auront pas le temps de s’adapter, comme les coraux, dont un demi-milliard de personnes dépendent pour vivre. Sur le long terme, "la vie sur Terre peut se remettre d'un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes", mais "l'humanité ne le peut pas", alerte la première version du texte.
Parallèlement, nous n’avons pas encore les armes pour faire face aux conséquences violentes du réchauffement climatique. Même en limitant la hausse à 2°C, jusqu'à 80 millions de personnes supplémentaires auront faim d'ici à 2050 et à +1,5°C déjà, dans les villes, 350 millions d'habitants supplémentaires seront exposés aux pénuries d'eau. La seule porte de sortie est la mise en place de mesures radicales et drastiques, "à tous les niveaux: individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement", visant à "redéfinir notre mode de vie et de consommation", rapporte l’AFP.
Ces conclusions n’ont pas été commentées par les scientifiques. "Le GIEC ne commente pas le contenu des projets de rapports tant que les travaux sont encore en cours" et sur la base de "documents de travail" a souligné le groupe d’experts dans un communiqué.
Chaque rapport du GIEC demande un travail colossal sur plusieurs années. "260 auteurs et des 1168 relecteurs" sont impliqués dans le processus, rappelle la co-présidente du GIEC Valérie Masson Delmotte, qui ajoute que plus de 40 000 commentaires seront pris en compte pour ajuster les conclusions. "Une version de travail qui va encore fortement évoluer", conclut le climatologue Christophe Cassou sur le réseau social Twitter. Une première partie du rapport, évaluant les bases physiques du changement climatique, doit être officiellement publiée le 9 août.
AFP-NOV
La richesse de la biodiversité agricole et celle des savoirs qui lui sont associés en Afrique de l’Ouest constituent un atout stratégique en faveur du développement durable de la région. Plus d’une vingtaine d’espèces vivrières ou destinées au commerce sont en moyenne cultivées par village.
Selon les zones, cependant, les conditions pluviométriques changeantes des années 1970 à nos jours ont favorisé ou au contraire limité le rendement des cultures. Le cumul annuel de pluie entre 1970 et 1989 a été en moyenne réduit de 25 % par rapport aux deux décennies précédentes.
Parallèlement, l’adoption en 2014 par l’organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) du cadre réglementaire de protection des obtentions végétales (UPOV 91) a modifié les cadres juridiques et institutionnels auxquels sont soumises les semences, induisant donc des changements plus globaux et non seulement climatiques.
La manière originale et singulière des agriculteurs de s’adapter à ces évolutions demeure encore largement méconnue. Quelles espèces choisissent-ils de cultiver ? Quelles sources d’approvisionnement en semences ? Quels facteurs derrière ces pratiques ?
À ces interrogations s’ajoute une préoccupation de méthode : comment établir ces constats en partenariat avec les acteurs locaux et garantir des résultats robustes et pertinents pour agir efficacement sur la durabilité des systèmes agricoles et alimentaires ?
Telles sont les questions sur lesquelles se penche depuis quatre ans une équipe de chercheurs du Cirad de Montpellier, en lien avec cinq institutions académiques et quatre organisations paysannes du Niger, du Mali, du Burkina Faso, du Sénégal et de France.
Né de cette collaboration, le projet CoEx a permis de collecter et d’agréger des données sur les 1,5 million de kilomètres carrés de la bande sahélienne, tout en rassemblant des éléments de contextes locaux.
32 espèces documentées
Financé par la Fondation Agropolis, le projet CoEx, avec une ambition transdisciplinaire, a encouragé entre 2017 et 2021 la collaboration d’acteurs du milieu scientifique, politique et de la société civile autour de l’étude du système semencier.
Le processus de recherche a été mené en concertation avec ces acteurs, afin de concilier la robustesse des enquêtes et la pertinence sociale de la connaissance produite. Définir collectivement les questions de recherche et les enjeux qu’elles représentent a contribué à cette pertinence.
fin de tenir compte de la diversité des contextes, des enquêtes ont été réalisées dans 144 villages, répartis dans quatre pays du Sénégal au Niger, en passant par le Burkina Faso et le Mali. La stratégie d’échantillonnage a privilégié des villages équidistants (70 km en moyenne entre eux), situés tant dans les zones sahéliennes au nord que dans des zones plus peuplées au sud.
Ces enquêtes ont permis de documenter la présence ou l’absence de 32 espèces cultivées, en plus d’explorer les variétés, les usages et les modalités d’approvisionnement en semences. Une attention particulière a été portée au mil, au niébé, au sorgho, à l’arachide et au maïs, qui constituent la base de l’alimentation des populations d’Afrique de l’Ouest, soit d’environ 330 millions de personnes.
Un outil pour valoriser les solutions locales
Désormais, il est possible de cartographier la dynamique de la biodiversité cultivée à de multiples échelles spatiales – exploitations, communes, régions, pays et multipays – et temporelles. La visualisation interactive des résultats permet de mieux comprendre la localisation, la circulation et la vitesse des transformations en matière d’espèces ou d’approvisionnement en semences.
Grâce à cette connaissance, les paysans, les chercheurs et les décideurs publics disposeront de précieuses informations pour mieux valoriser les solutions expérimentées localement pour faire face aux changements.
Trois pistes de réflexion se dessinent pour une action conjuguée des acteurs politiques, agricoles et scientifiques d’Afrique de l’Ouest.
Frontière floue entre semences « paysannes » et « commerciales »
On oppose habituellement les semences « paysannes » ou « traditionnelles » aux semences « commerciales » ou « améliorées ». Les premières sont issues de la gestion de l’agriculteur lui-même – le Centre africain pour la biodiversité estime que 70 à 80 % des semences cultivées sur le continent sont issues de semences conservées par les agriculteurs – et les secondes générées par la recherche agronomique ou les industries semencières privées.
Les pratiques d’acteurs et d’organisations collectives utilisant ces semences nous apprennent toutefois que cette ligne de démarcation n’est pas aussi nette. Une avancée majeure de cette recherche a été de documenter le fait que les paysans s’approvisionnent en semences issues d’une multiplicité de sources, sans forcément opérer de distinction entre la semence issue de programmes de sélection et celle produite par eux-mêmes.
L’une et l’autre sont utilisées dans les mêmes exploitations.
Lorsque les semences issues de programmes de sélection sont mises en culture, les grains issus de la récolte sont ensuite parfois eux-mêmes réutilisés comme semences et immédiatement requalifiés en semences paysannes.
À l’inverse, beaucoup de variétés améliorées par la recherche sont le fruit d’une épuration des variétés paysannes traditionnelles.
Un cadre réglementaire inadapté
La vision binaire, qui oppose catégoriquement semences améliorées et paysannes, ne permet pas de reconnaître que la gestion de ces entités par les agriculteurs et les sélectionneurs est en réalité fondamentalement dynamique et interconnectée.
Les cadres réglementaires, tels que UPOV 91 par exemple, reposent sur cette opposition binaire. Par conséquent, ils ne sont pas adaptés pour valoriser la diversité des pratiques de gestion et d’approvisionnement en semences, ni pour valoriser la diversité cultivée que ces pratiques favorisent.
La richesse de pratiques diverses
Les données recueillies témoignent d’une très grande diversité de pratiques d’approvisionnement ou d’usages des semences, selon les espèces, les régions ou les pays. Aucun chiffre ne résume seul la diversité des pratiques.
Alors que près de 75 % des semences de sorgho et de mil sont autoproduites au Mali et au Burkina Faso, le marché est une source importante pour le Sénégal et le Niger. Les provenances sont en outre elles-mêmes variables au sein de chaque pays, selon la latitude, l’usage des variétés, voire l’âge des agriculteurs.
Le nombre moyen d’espèces cultivées est lui aussi variable, en fonction de la latitude : alors que 22 espèces en moyenne sont cultivées aux faibles latitudes où la pluviométrie est plus importante, cette moyenne chute dramatiquement à 10 à l’approche des zones sèches du Sahel, au Nord.
Ce nombre est par ailleurs plus important dans les villages anciennement implantés (18 espèces) que les villages récents (15 espèces), en lien probablement à de multiples traditions de culture, elles-mêmes plus anciennes.
Enfin, le nombre d’espèces est également lié au nombre de langues parlées dans des villages : chaque langue parlée s’accompagne en moyenne d’une espèce cultivée supplémentaire pour le village, la diversité cultivée étant ainsi liée à la diversité culturelle – du fait de préférences alimentaires différentes.
Le rôle des organisations de producteurs
Cette enquête suggère en outre que l’appartenance à une organisation de producteurs encourage également la diversité d’espèces cultivées – une tendance finement documentée au Mali.
Dans la région de Ségou, par exemple, les agriculteurs membres d’une organisation de producteurs cultivent en moyenne 30 % d’espèces de plus que les non-membres (12 contre 9).
En somme, aucun facteur n’intervient seul ou ne peut seul expliquer l’image produite par cette enquête. Les chercheurs sont cependant certains d’une chose : dans un contexte de changements globaux, la diversité des pratiques de gestion offre autant de solutions potentielles pour les agriculteurs.
Un atlas de la biodiversité agricole
Le travail mené suscite l’enthousiasme des chercheurs comme des agriculteurs, et la poursuite de cette collaboration pourrait s’incarner à travers la création d’un observatoire collaboratif de la biodiversité agricole et de leur dynamique spatio-temporelle en Afrique de l’Ouest.
Autrement dit, une plate-forme participative de collecte où les publics d’enquêteurs, paysans et chercheurs locaux pourraient actualiser au fil des années un atlas de diversité.
L’observatoire tiendrait lieu d’espace de concertation entre chercheurs et agriculteurs pour faire émerger de nouvelles questions de recherche, en lien étroit avec les besoins exprimés selon les contextes locaux.
Avec la contribution de ce type de projet, les organisations paysannes partenaires sont aujourd’hui en mesure de construire un discours fondé sur des évidences scientifiques, voire de participer à faire mieux reconnaître le droit des agriculteurs à cultiver leurs semences et leur rôle dans la gestion de l’agrobiodiversité.
Christian Leclerc
Ethno-biologiste, Cirad
Abdoul-Aziz Saïdou
Chercheur, Cirad
À première vue, le changement climatique n’a pas grand-chose à voir avec la frivolité du jeu, et apporte plutôt son lot de catastrophes et de prédictions inquiétantes. Pourtant le jeu, qui consiste à se mettre à la place de, concevoir dans un monde rêvé, essayer « pour de faux », tenter, être stratégique… peut se révéler un outil précieux dans l’accompagnement de la transition agroécologique pour des acteurs faisant face à des incertitudes constantes.
Bien sûr, il s’agit de « jeu sérieux ». Comme le soulignait Clark C. Abt dès 1970, ce dernier n’est pas principalement destiné au divertissement, bien qu’il puisse être amusant : il est conçu dans un objectif d’utilité, et les mécanismes mêmes du jeu y sont exploités pour l’atteindre.
Par jeu, on n’entend pas forcément de jeux vidéo : jeux de plateaux, de rôles, de cartes… sont en effet centraux par leur capacité à réunir et à échanger. Notamment en contextes agricoles, ils permettent d’imaginer des solutions pour le futur, difficilement audibles ou trop complexes à visualiser par la seule discussion.
Des jeux sérieux pour les agriculteurs
Depuis une quinzaine d’années, des chercheurs et acteurs du développement agricole créent ainsi de nombreux jeux sérieux à destination des agriculteurs pour les aider à aborder la transition agroécologique : pour n’en citer que quelques-uns… le Rami Fourrager, Mission Ecophyt’eau, Ruralis, Lauracle ou encore La Grange… Les agriculteurs sont amenés à y jouer pour repenser leurs systèmes, concevoir de nouvelles pratiques, transformer leurs territoires. Mobiliser La Grange par exemple, permet de mettre en débat les questionnements techniques, sociaux et sociétaux d’un territoire d’élevage pour faire évoluer collectivement ses pratiques.
Loin d’être anecdotique dans le monde scientifique, l’innovation sociale de terrain par le jeu devient un objet de recherche important et très actif en France et à travers le monde. Il ne s’agit pas d’une simple tendance à la gamification, ou d’une démarche pédagogique d’enseignement, mais bien d’utiliser le jeu comme outil d’apprentissage et d’échanges pour les agriculteurs, afin de les aider à faire face aux défis de demain.
Des unités de recherche en France ont ainsi choisi le jeu en agroécologie comme un de leur objet de travail, à l’image de Territoires à Clermont-Ferrand, G-EAU à Montpellier, Agir à Toulouse ou encore du collectif Commod.
Cette mobilisation d’outils ludiques sur le terrain avec les agriculteurs révèle bien les enjeux et barrières à surmonter pour permettre la transition agroécologique.
Se libérer des contraintes
Le jeu permet tout d’abord de confronter les modèles agricoles. L’agroécologie porte une vision du monde différente de ce que peut être le modèle dit conventionnel. S’approprier l’agroécologie demande ainsi d’échanger des savoirs qui peuvent être locaux ou scientifiques, de se questionner, se remettre en cause, se décentrer.
Pour réaliser cela, il faut disposer d’une arène appropriée qui réduise les asymétries de savoirs – tout le monde peut s’exprimer même s’il n’est pas expert du domaine – ou de rôles – et peu importe sa place : agriculteurs, élus, conseillers techniques, citoyens…
Le jeu favorise cela en entraînant les joueurs – et non plus les personnes avec leurs statuts –, pour un temps donné dans un échange libéré des contraintes. Cela encourage également une appropriation systémique des problématiques agricoles propres à l’agroécologie. En jouant, les agriculteurs peuvent sortir d’une métrique, c’est-à-dire d’une norme pour évaluer, qui n’est plus uniquement technico-économique, mais aussi environnementale, sociale ou encore culturelle.
Par exemple, en production laitière et fromagère, ce n’est plus que le prix, le volume de lait ou les valeurs des taux butyreux et protéique qui sont centraux dans les échanges. Les agriculteurs peuvent ainsi concevoir un système où le plaisir de travailler, la qualité du paysage, la préservation de la biodiversité domestique, le maintien de savoir-faire locaux… comptent autant sinon plus, que les indicateurs techniques ou le seul résultat économique.
Comprendre le rôle de chaque acteur
Il est aussi important d’accéder en jouant aux différentes échelles d’actions. La transition agroécologique repose en effet sur une articulation entre elles : de la décision de politique publique (par exemple, les nouvelles règles de la PAC, les décisions d’aménagement des collectivités locales…) jusqu’au travail quotidien de l’agriculteur (la gestion de ses prairies permanentes ou l’utilisation de pesticides par exemple). En jouant sur ces échelles, les différents acteurs comprennent comment se coordonner et faire ensemble.
Cela relève ainsi de la création de communs, propre à l’action collective. Cela incite à imaginer des futurs différents, de mettre en mouvement des territoires en redonnant aux agriculteurs leur juste place, comme acteurs d’une co-construction, et non simples exécutants.
Les actions dépassent alors le cadre de l’adaptation et permettent de vrais changements en ouvrant le champ des possibles. Le jeu met alors au jour les supports possibles pour la transition et les acteurs clés qui doivent aussi participer avec les agriculteurs (élus, conseillers, vétérinaires, citoyens…).
Surmonter la prise de risque
Il y a dans le jeu en agroécologie, l’idée de pouvoir imaginer en dehors de la réalité des possibilités risquées. Car oui, la prise en compte de l’aléa est l’une des clés de la transition agroécologique. C’est un déterminant bien trop souvent balayé facilement par l’argument de l’urgence du changement et/ou la méconnaissance de l’agriculture. Le risque de la transition agroécologique, comme de toute transformation agricole, est généralement supporté par les seuls agriculteurs.
Modifier ses pratiques, adapter son travail, quitter un système conventionnel… est compliqué. Les contraintes peuvent être importantes et difficiles à appréhender et assumer seul.
Le jeu permet ainsi de tester, de simuler, de concevoir de nouvelles solutions sans risque au préalable. L’expérimentation aux champs peut être ainsi précédée par une phase sans risque qui sécurise les changements futurs. Elle révèle rapidement certains écueils techniques ou sociaux et y remédier avant d’envisager une mise en pratique.
Appliquer ces principes, au-delà du jeu
Cependant, faire participer et échanger ne suffit pas et le jeu ne doit pas être considéré comme une fin en soi. Il est nécessaire de dépasser le seul stade du simple diagnostic de situation et de la prospective, bien que ceux-ci soient fondamentaux.
Trop souvent, les approches dites participatives, auxquelles le jeu peut être attaché dans notre cas, se suffisent d’actions où les individus discutent ou font des propositions. Il s’agit d’aller au-delà et d’inscrire la mobilisation du jeu sur le long terme dans l’accompagnement des agriculteurs dans la transition agroécologique. En travaillant du collectif à l’individuel, permettre que les propositions validées ensemble trouvent une application et s’adaptent à chaque exploitation.
Même s’ils emmènent avec eux leur philosophie et leur modèle d’apprentissage, les jeux sont des outils : ils doivent s’inscrire dans le temps long de l’accompagnement, être un étayage pour la mise en place de nouvelles pratiques.
Toutefois, il semble possible de considérer aujourd’hui le jeu comme un moyen de passer de cette injonction à la démarche participative à une vraie construction de l’agroécologie de chacun par le collectif.
Sylvain Dernat
Ingénieur en sciences sociales, ludologue, UMR Territoires, Inrae
Disparition des forêts tropicales, acidification des océans, fonte de l'Inlandsis du Groenland... Ces phénomènes sont des points de non-retour, des seuils critiques que l'humanité ne doit pas franchir sans se mettre en danger. Or aujourd'hui, sur les neuf "tipping points", quatre ont déjà été dépassés. Dans le documentaire choc "Notre planète a ses limites : l'alerte de la science", sorti le 4 juin sur Netflix, des experts nous mettent en garde contre ces changements irréversibles et nous donne les clés pour éviter le pire.
"Imaginons-nous au volant, à la montagne, sur une route qui serpente, dans une voiture au moteur trop puissant, qui roule trop vite, les phares éteints, avec les précipices où on risque de tomber. Il vaut mieux allumer les phares. C’est ce que la science veut nous donner : des phares pour voir les dangers qui arrivent". C’est avec la voix du scientifique suédois Johan Rockstrom que débute ce documentaire Netflix dédié aux tipping-points, ces points de non-retour susceptibles de provoquer des changements irréversibles pour notre planète.
"Notre planète a ses limites : l’alerte de la science", sortie le 4 juin sur la plateforme, est d’abord un cri d’alerte. Pendant 75 min, le scientifique, directeur de l’Institut de recherche de Potsdam épaulé par la voix grave du naturaliste britannique Sir David Attenborough tente de manière pédagogique d’expliquer les neuf seuils limites qui ne peuvent être dépassés sans mettre en danger l’humanité. Or, aujourd’hui, quatre tipping points ont été franchis, selon les recherches de Johan Rockstrom : le climat, l’intégrité de la biosphère, la biodiversité et les nutriments. Deux sont en train de basculer : l’acidification des océans et l’eau douce.
L'espoir de la couche d'ozone
"Depuis l’aube de la civilisation, nous dépendons de l’état stable de notre planète : une planète avec deux calottes glaciaires, des fleuves alimentés, un manteau de forêts, une météo fiable et une vie abondante. Tout au long de l’holocène, cette planète stable nous a donné de quoi manger, de l’eau à boire, de l’air à respirer, mais nous venons de quitter l’Holocène", explique Johan Rockstrom. "Nous avons créé nous-même une époque géologique : l’anthropocène", abonde Sir David Attenborough, "En seulement 50 ans, nous avons réussi à nous mettre hors d’une situation, dans laquelle nous vivions depuis 10 000 ans".
Si ce documentaire peut nous donner des sueurs froides tant l’état de la planète semble catastrophique, les scientifiques veulent redonner espoir car non, il n’est pas trop tard. Et l’humanité a déjà réussi à se rassembler et à inverser la tendance pour un des points de basculement : la couche d’ozone.
Le trou dans la couche d'ozone, identifié en 1985, s'est formé à cause des émissions dans l'atmosphère de produits chimiques très nocifs, les chlorofluorocarbures. Ces gaz étaient alors principalement utilisés dans la fabrication des frigos et climatiseurs. Les pays du monde entier se sont accordés en 1987 dans le cadre du Protocole de Montréal pour mettre fin à leur utilisation, répondant à une urgence vitale. En 2019, le trou de la couche d’ozone a atteint sa plus petite taille depuis les années quatre-vingt. Une preuve qu’en s’unissant, les pays du monde entier peuvent lutter efficacement contre le changement climatique.
Seuls 37 % des produits vendus par le géant de l'agroalimentaire Nestlé sont bons pour la santé, selon un document interne qui a fuité dans le Financial Times. Entre les eaux aromatisées trop sucrées, les plats ultra-transformés ou les céréales, le groupe, qui s'est pourtant lancé dans un virage plus végétal et plus sain, se remet en question. Il est en tout cas soutenu par ses actionnaires car, malgré les révélations, ses actions en Bourse atteignent des sommets.
L’empire Nestlé est énorme. L’éventail de ses 50 marques s’étend des confiseries KitKat, Crunch ou Smarties à la purée Mousline et l’eau en bouteille en passant par les céréales Chocapic ou Lion. Nestlé, qui affiche en grand sur son site sa volonté "d’aider les enfants à mieux manger" traverse pourtant une période compliquée. Un rapport affirme en effet que 60 % des produits de la marque sont mauvais pour la santé. Et cette note n’est pas le fruit d’une enquête d’une ONG mais de Nestlé lui-même. Le document a fuité dans la presse et le Financial Times y a eu accès.
Dans cette présentation, faite aux cadres dirigeants, le groupe reconnaît que seuls 37 % de ses produits et boissons obtiennent une note supérieure à 3,5 étoiles dans le système de notation à 5 étoiles, utilisé en Australie. 3,5 sur 5 est le seuil minimum pour être considéré comme bon pour la santé. Le chiffre de 60 % évoqué dans la note interne ne porte toutefois que sur une partie de son portefeuille de produits, précise le FT. Il ne concerne pas la nutrition infantile ni les produits pour les animaux de compagnie, le café ou encore la nutrition médicale. En pratique, ce chiffre de 60 % ne concerne "qu’environ la moitié" de ses activités en termes de chiffre d’affaires.
Nestlé fait une cure d’amaigrissement
"Nous avons considérablement amélioré nos produits" mais "notre portefeuille est toujours sous-performant par rapport aux définitions externes de la santé dans un paysage où la pression réglementaire et les demandes des consommateurs montent en flèche", commente le document interne. Cette révélation vient ternir la réputation du groupe alors que Nestlé, comme tout le secteur agroalimentaire, a entamé une cure d’amaigrissement ces dernières années.
Plus d’un cinquième de son portefeuille a été réorienté au détriment des confiseries, charcuteries ou glaces. Depuis 2005, le groupe a réduit de 35 % la teneur en sucre de ses produits pour enfants. Le géant suisse, auparavant réticent à l’utilisation du Nutriscore, s’est également rallié à ce système d’étiquetage nutritionnel et veut l’imposer dans toute l’Europe. Le groupe affirme même avoir amélioré ses produits pour un meilleur Nutriscore. Ainsi, les céréales Chocapic obtiennent ainsi la note de B.
La malbouffe fait vendre
Le groupe a également entamé un virage vers les alternatives végétariennes à la viande et au lait. Contrairement à Tesco, la plus grande chaîne de supermarchés britannique, qui a fait face à une résolution "sanitaire" de ses actionnaires concernant son rôle dans l’obésité, la trajectoire de Nestlé semble satisfaire les investisseurs. Malgré les révélations, Nestlé est toujours aussi prospère et ses actions ont atteint ces derniers temps un niveau historique.
Du côté des consommateurs, la pression augmente mais le marché est aujourd’hui polarisé entre ceux qui réclament des produits "plus sains" et ceux qui demandent des produits "moins chers". Or, aujourd’hui, c’est la malbouffe qui vend le plus. "Le sucre et le gras sont peut-être le fléau des nutritionnistes, mais pour les personnes stressées et occupées, ils offrent un confort indispensable", résume ainsi le Financial Times. Il suffit de jeter un coup d’œil au classement des marques les plus vendues en 2020 réalisé par Kantar pour comprendre : Coca-Cola est toujours indétrônable en haut du podium et Kinder entre pour la première fois dans le top 20.
AFP
Les rivières se sont asséchées plus tôt que prévu en Californie. Le débit de l'eau est si faible, que les jeunes saumons chinook ne parviennent pas à rejoindre l'océan, et se retrouvent bloqués dans une eau qui se réchauffe et leur est fatale. Le département de la faune sauvage a organisé le convoi des 17 millions de saumons jusqu'au grand bleu en camion-citerne.
Les saumons chinook sont pris entre deux eaux : celle de la rivière, dans laquelle ils sont nés, et celle de l'océan, où ils vont passer la plupart de leur vie avant de retourner sur leur lieu de naissance pour pondre et mourir. Mais cette année en Californie, la migration vers le grand bleu est particulièrement ardue pour les alevins. La sécheresse a touché la région encore plus tôt que les années précédentes.
Depuis le 10 mai, l’état d’urgence a été déclaré dans 40 comtés. Des millions de jeunes saumons chinook, tout juste nés au printemps, se trouvent dans une situation délicate. D'une part, le débit de l’eau est devenu trop faible pour leur permettre de migrer jusqu’à l'océan : certaines rivières atteignent avec peine 30% de leur débit normal pour la saison. D'autre part, la hausse de la température de l’eau est fatal aux juvéniles.
Le département de la faune sauvage de Californie a donc décidé de leur prêter main forte. Depuis le mois d'avril, les 17 millions de poissons concernés sont transportés dans des camions-citernes de la Vallée centrale à la baie San Pablo. Soit une distance comprise entre 80 et 180 kilomètres, "où les pertes lors des migrations ont été significatives en période de sécheresse" a expliqué le département californien dans un communiqué. L’opération devrait durer jusqu'à la fin du mois de juin.
"20% de poissons supplémentaires"
Ce n’est pas la première fois que les jeunes saumons sont affrétés : les premiers transports d’alevins ont débuté dans les années 80. Mais cette année, ce sont 20% de poissons supplémentaires qui seront évacués d'urgence. "Le transport de jeunes saumons par camion vers les sites de lâcher en aval s'est avéré être l'un des meilleurs moyens d'augmenter la survie jusqu'à l'océan par temps sec" a ajouté le département californien.
Ce n’est pas le seul mal qui pèse sur les saumons chinook. A quelques kilomètres au Nord, les populations de l’Oregon ne sont pas mieux lotis. Les niveaux très bas et la chaleur de l’eau ont encouragé le développement d’une bactérie mortelle, C shasta. Sur un échantillon observé par les biologistes, 70% des individus avaient succombés à la maladie. 98% étaient infectés. Et cette hécatombe aura un impact sur d'autres espèces, comme les orques du Pacifique Nord-Ouest, qui se nourrissent presqu'exclusivement de saumons.
NOVETHIC
La quasi-totalité de l'ouest des Etats-Unis a été placée cette semaine en "état d'alerte" en raison d'une vague de chaleur particulièrement précoce avec des températures qui pourraient friser par endroits les 50°C. "Une vague de chaleur prolongée et potentiellement record est en cours à travers l'ouest des Etats-Unis", concernant au total quelque 50 millions de personnes, ont mis en garde les services de la météo nationale américaine. Le pic de température sera variable selon les zones "mais la tendance est bien au-dessus de la normale, voire extrêmement élevée" et le phénomène durera au moins jusqu'au week-end, ajoutent-ils. En moyenne, les températures sont supérieures d'environ 11°C aux moyennes saisonnières et c'est surtout dans les zones arides et désertiques d'Arizona et du Nevada que des records pourraient tomber. La ville de Phoenix a par exemple enregistré lundi une température de 46°C (115°F) et le mercure pourrait approcher les 48°C en fin de semaine selon les dernières prévisions, avec des minimales qui resteront toutes les nuits supérieures à 30°C. De telles conditions sont "rares, dangereuses et mortelles", préviennent les experts. Dans l'Etat voisin du Nevada, Las Vegas risque de battre le record de chaleur établi en 1940, avec un thermomètre pouvant dépasser 46,5 °C mercredi. Un épisode aussi extrême et prolongé n'avait pas été enregistré dans cette région depuis le début de l'été 2013, selon des médias locaux. Les autorités ont mis en place des "stations de rafraîchissement" en différents points de la ville et ont organisé avec des "influenceurs" spécialisés une campagne de sensibilisation aux dangers encourus par les animaux de compagnie et leurs propriétaires durant la canicule. Le record mondial de température avait été officiellement enregistré le 10 juillet 1913 non loin de Las Vegas, dans la partie californienne de la Vallée de la mort: 56,7°C. Outre l'impact sanitaire de la canicule, les autorités redoutent aussi les conséquences de la chaleur extrême pour les feux de forêt, particulièrement précoces et intenses cette année et aggravés par la sécheresse chronique qui sévit dans l'Ouest américain. Selon les derniers relevés des agences gouvernementales, 88% de la région était en état de sécheresse, dont l'intégralité de la Californie, de l'Oregon, de l'Utah et du Nevada. Or ces sols arides et la végétation desséchée créent à leur tour les conditions propices pour une augmentation des températures, instaurant un cercle vicieux dévastateur. © 2021 AFP
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